samedi 15 mai 2004

Un cas de distribution
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Comme j'ai oeuvré pendant quelques années dans le milieu du cinéma et sa distribution au Québec, j'ai été tenté d'écrire un petit article sur un cas fort intéressant que j'ai suivi d'assez près: la distribution et la promo des deux films de genre québécois sortis le neuf avril dernier: La Peau Blanche et Dans une galaxie près de chez vous.
Je n'ai pas le temps, malheureusement, pour un article de fond, mais dans un cas, le film est excellent, et il n'a pas marché beaucoup au box office et l'autre film est plutôt ordinaire, pour ne pas dire carrément mauvais, et il fait fortune. Misère. mais misère influencée par la télé, et évidemment, les budgets et surtout les stratégies de distribution de films.
J'y reviendrai peut-être.
Entre temps, si vous voulez savoir ce que j'ai pensé de La Peau blanche, consultez le site web de Solaris (lien à droite). Pour Dans une fgalaxie, que j'ai vu la semaine dernière, voici ici, en direct, live, dans l'Esprit Vagabond, ce que j'en ai pensé.
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Dans une petite vie près de chez vous...

Comme je n’ai jamais écouté un épisode de la série télé, j’ai abordé le film Dans une galaxie près de chez vous comme un film en soi et non comme une adaptation cinéma de la série.
L’histoire est assez simple : nous sommes en 2039 et depuis cinq ans, l’humanité cherche désespérément une nouvelle planète puisque la terre est devenue inhabitable et même mortelle à court terme. Cette recherche, elle est effectuée par l’équipage du vaisseau canadien français Romano Fafard. Comme le film se veut une comédie, je vous épargne toutes les invraisemblances de son scénario, il est clair que les auteurs n’y accordaient aucune importance.
Dans une galaxie… se veut donc une comédie absurde, mais il est difficile de décrire à quel genre le film s’apparente réellement autrement qu’en imaginant un mélange entre la petite vie, Star Trek et une parodie de Star Trek. Mélange qui n’est pas vraiment heureux d’ailleurs. Peut-être la chose est-elle efficace en format d’une demie-heure télé, mais au cinéma, ça ne fonctionne tout simplement pas. À jouer sur trop de niveaux, le film réussi seulement à être déficient dans chacun d’eux. Et c’est là tout le problème de ce film. Car Dans une galaxie… est un film au premier degré. Certes, on y dialogue dans du pseudo Claude Meunier, mais du même élan, l’histoire générale du film est sérieuse et prise au sérieux. Pour que le mélange absurde et SF fonctionne, un second degré était essentiel et il fait cruellement défaut à Dans une galaxie…
La scène d’ouverture, à laquelle nous revenons à la fin, l’amitiés entre Flavien et Bob, le discours final du capitaine Patenaude sur l’élimination d’une autre civilisation, le triangle amoureux avec Pétrolia et la mort tragique d’un des personnages, tout cela est traité sérieusement en terme dramatique. Aucune ironie, aucun degré de moquerie ou de critique sociale. Nous sentons le désir d’être profond malgré le but avoué de faire rire avec le reste. Or comme ces parties de films ne sont pas drôles, elles ne semblent qu’alourdir le rythme. En fait, le film veut surtout s’amuser à parodier le style Star Trek mais ressemble trop souvent à du vrai Star Trek pour que les moments humoristiques fonctionnent réellement.
Ainsi, on rit assez peu dans l’ensemble du film. On sourit quelques fois et souvent, il s’agit de one-liner; des répliques-citations du capitaine. À titre d’exemple, les trois répliques les plus drôles du film («Rome ne s’est pas bâti en criant lapin je ne boirai pas de ton eau», «L’avenir appartient à ceux qui se lavent tôt pendant qu’il reste encore de l’eau chaude» et «L’homme est un singe avec des clefs de char») aurait pratiquement été plus efficaces dans la bouche d’un Marc Labrèche dans La petite vie. Et même dans ce cas, avouez que c’est peu pour faire un film.
D’autres idées amusantes sont répétées et utilisées tellement souvent pendant le film qu’elles en perdent tout intérêt. Je pense entre autres à «Bob, avec des cheveux» ou à l’incapacité du capitaine de prononcer le nom du robot (Serge) comme il faut.
Enfin, certaines idée ne font que tomber à plat. Mentionnons seulement par exemple ce devin qui s’appelle «eulsay».
Le degré de parodie qui fonctionne le mieux est peut-être celui des personnages eux-mêmes. L’espèce de tolérance dont font preuves les membres d’équipages envers le scientifique détestable, peureux, méchant, dangereux et hypocrite est ce qui se rapproche le plus d’un second degré critique des séries B. La planète où la beauté repose sur la graisse et sur laquelle la jeune fille svelte est si malheureuse est du même niveau. Mais encore une fois, ces quelques éléments sont bien insuffisants pour combler les autres lacunes.
Techniquement, le film n’est pas plus à la hauteur. Je crois comprendre que le budget était limité et je suis conscient que les vaisseaux spatiaux en forme de cannes de conserve se voulaient comiques, mais j’aurais cru que l’on puisse faire mieux à ce niveau.
La réalisation est plutôt terne et les effets répétitifs, mais c’est surtout l’éclairage qui agace et qui constitue une réelle faiblesse. Peut-être est-ce une signature télévisuelle que les fans reconnaîtront? Je l’ignore mais sur grand écran, on se fatigue vite des plans rapprochés éclairés et contrastés par une seule source lumineuse. Ça donne à l’image et aux décors une allure épouvantablement amateure. Notez que les décors souffrent aussi du choix parodie et SF – insuffisants et ringards, ils se veulent drôle mais ne font pas sourire.
J’imagine donc qu’avec un rythme adéquat, mois de prétention humanitaire tardive et un plus petit écran, les très jeunes ados trouvent la série amusante. Mais un long métrage relève d’une ambition différente d’un épisode de série télé et il semble que les créateurs de Dans une galaxie… n’ait pas compris cet aspect du cinéma.
Pour l’amateur de cinéma et de SF (même parodiée ou au second degré), Dans une galaxie près de chez vous n’offre rien de réellement intéressant.
Enfin, je termine sur un commentaire plus éditorial; je trouve un peu triste qu’il faille toujours absolument produire de l’humour au Québec avant de pouvoir passer à autre chose. L’histoire se répète donc un peu – Karmina avait précédé Sur le seuil dans le domaine du fantastique horrifique. Dans une galaxie…, tout comme Karmina, utilise la SFF comme un prétexte pour faire de l’humour, mais au moins, le film de Gabriel Pelletier avait le mérite de faire rire.
Espérons que le prochain film de SF québécois nous livre de la vraie SF.
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