jeudi 22 octobre 2009

De films, d'amitiés, et des petites choses que l'on laisse parfois dans l'histoire (avec un petit h).

Un long titre pour expliquer un sentiment rare mais profond qui m'a habité l'autre jour, quand je suis allé voir le dernier film du réalisateur Éric Tessier: 5150 Rue des Ormes. Ce sentiment n'était pas nécessairement quelque chose que le réalisateur aurait chercher à créer, et encore moins quelque chose qu'il aurait facilement pu réaliser, même s'il avait voulu.
Notez que ce billet n'est pas une critique du film d'Éric. Cet aspect viendra ici sous peu (ou bien dans Solaris, si jamais la revue est intéressée à mon opinion sur la question).
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Patrick, moi et le roman.
Je connais Patrick Senécal depuis plusieurs années. Je me souviens l'avoir rencontré officiellement quelque part au milieu des années 90 - probablement en 1994, et je me souviens que l'une de nos premières journées informelles a peut-être été la P'tite Boréale organisée par Natasha Beaulieu, en 1995, si ma mémoire est bonne. Pourtant, nous nous étions croisés avant ça, avant de se connaître, à Drummondville, lors du lancement de la revue AO! Espaces de la Parole, revue à laquelle nous participions tous les deux à l'occasion à cette époque.
Puis Patrick a commencé à publier chez Alire et c'est suite à une réédition de son roman 5150 rue des Ormes que j'ai lu ce roman de Patrick. J'avais déjà lu Sur le Seuil lors de sa sortie, et j'étais donc déjà un lecteur convaincu non seulement de son talent, mais de son sens du rythme et de la mise en scène efficace.
J'ai adoré le roman 5150 rue des Ormes. Sans me souvenir des détails de lecture, je me souviens avoir trouvé qu'il s'agissait d'un roman bien construit, intelligemment mené, subtil, qui fait peur dans ce qu'il met en scène comme personnages et situations, sans tenter d'en faire trop. Je ne suis pas amateur de gore pour le gore, et quand une situation terrifiante tourne au gore, tout se désamorce pour moi, en tant que lecteur. Je trouvais donc que Patrick avait su manier le genre avec finesse, mettant ce qu'il faut où il faut pour garder son lecteur prisonnier de l'univers dans lequel il a été plongé, sans en mettre trop et faire décrocher ce lecteur-ci. La chose semble facile à réaliser, mais sais que c'est très ardu de ne pas perdre le contrôle de ce genre de choses. Bref, 5150 ru des Ormes: un sacré bon roman.


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Patrick, Roberval 2K et les Chaplin.
Quelques années plus tard, j'ai organisé un festival de fantastique et de science-fiction à Roberval en 1998, auquel Patrick participait comme bien d'autres auteurs de SFFQ d'ailleurs. Le festival a eu suffisamment de succès pour que je récidive en 2000. L'édition de 2000 (Roberval 2K) comptait également Patrick parmi les participants, et cette fois-ci, en plus du volet littérature, nous avions un volet cinéma. Les activités de ce volet étaient présentées dans une salle du Cinéma Chaplin, dont j'étais le gérant à cette époque.
Pendant le festival, je pilotais aussi le développement d'un nouveau cinéma, le Chaplin II, à Dolbeau-Mistassini, en collaboration avec le cinéma que je dirigeais à Roberval.
De Roberval 2K, je me souviens précisément d'une discussion sur le cinéma fantastique québécois, discussion mettant justement en scène Patrick, et Joël Champetier, qui travaillaient alors à des adaptations cinématographiques de leurs romans respectifs Sur le seuil et La peau blanche. À cette époque, chacun affichait le même pessimisme prudent malgré l'enthousiasme; ce serait presque un miracle si chacun de ces deux films se faisaient, tellement il est ardu de financier un film de genre au Québec.
Si les choses n'ont pas changé tant que ça de ce point de vue, au moins, on a pu voir 3 ans plus tard sur nos écrans, les films Sur le seuil (d'Éric Tessier) et La peau blanche (de Daniel Roby). Depuis, les jeunes réalisateurs et scénaristes ont continué leur travail et même si il demeure difficile de faire des films de genre au Québec, on accueille avec moins de scepticsisme les projets qui sont annoncés. (Parmi leurs projets récents, on verra bientôt Funkytown de Roby avec Patrick Huard, et Les 7 jours du Talion de Podz, avec Claude Legault et scénarisé par Patrick, sortira en février-mars 2010).
Ainsi, presque dix ans après notre discussion au Cinéma Chaplin de Roberval avec Patrick, le film 5150 rue des Ormes dont il signe le scénario sortait en salle.
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5150 et moi, Chaplin II, octobre 2009.
J'avoue que passé l'excitation d'aller voir un film adapté d'un très bon roman, d'un roman écrit par un ami, et dont le scénario est écrit par cet ami, j'étais particulièrement touché par le fait que par une simple coïncidence de la vie (j'étais au Lac-St-Jean au moment de la sortie du film), je me retrouvais à aller assister à une projection de 5150 rue des Ormes, dans un cinéma Chaplin.
Octobre 2009, donc, je me retrouvais assis dans une salle du Chaplin II de Dolbeau-Mistassini, cinéma que j'avais contribué à démarrer, pour voir le film adapté de l'oeuvre de Patrick.
J'avais l'impression de voir le film d'un chum, dans mon cinéma, même si le film a été réalisé par Éric, et que je ne travaille plus pour les cinémas Chaplin depuis plus de sept ans maintenant.
Et cette réflexion m'a fait réaliser que même si on n'en a pas l'ambition, même si on n'a pas nécessairement planifié de faire ce genre de choses, même si on n'en avait aucune idée lors de notre discussion dans la salle Arcand du Chaplin de Roberval à l'été 2000, on laisse toujours des choses derrière soi, on passe toujours un peu à l'histoire, même miniscule, à quelque part.
Sans la conjonction d'événements m'ayant mené à m'installer au Lac-St-Jean à la fin des années 90 et la conjonction d'événements m'ayant mené à m'impliquer dans le développement de ces deux cinémas en région, sans la conjonction qui a fait de Patrick l'auteur qu'il est devenu au cours des 15 dernières années, bref, en version réduite, sans moi et sans Patrick, personne n'aurait pu voir 5150 rue des Ormes à Dolbeau-Mistassini depuis le début d'octobre. Pas ce film-là, pas dans cette salle-là, pas comme ça.
Et il est très rare que l'on songe à ce genre de choses. En tout cas, moi, je n'y pense presque jamais.

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[Et n'hésitez pas éa aller voir le film, il est bon en plus!]
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