samedi 26 décembre 2009

En randonnée sur le Baul (2): L'expérience culturelle

Note: Si vous lisez ceci sans avoir lu le billet précédent, je vous invite à aller lire ce premier billet relatant la randonnée sur le Baul; ça vous mettra en contexte et vous permettra de mieux apprécier ce qui suit.
--
Une des raisons pour lesquelles il est parfois plus intéressant de lire certains blogues plutôt que la presse de masse, c’est parce que les publications indépendantes permettent à l’auteur d’adopter un style libre et donc, souvent plus adapté pour traiter des sujets avec originalité (j’ai mentionné une exception très rare à cette règle, en parlant de Bruno Blanchet, à qui La Presse semble donner carte blanche côté éditorial).
Voici donc une relation culturellement plus riche, de notre randonnée sur le Baul, mercredi dernier.
--
Esteban m’avait invité à participer à une activité organisée par son école d’espagnol. J’avais accepté avec joie; l’activité en question devait nous faire passer par le village de Zunil, pour nous mener à des sources naturelles d’eau thermales, les Fuentes Georgiana. Nous devions partir de son école à 13h. Le matin de l’activité, il m’a informé d’un changement de plan: la randonnée aux Fuentes, jugée trop chère en transport, avait été remplacée par une marche sur le Baul, où nous pourrions faire un pique-nique.
J’ai donc apporté un petit lunch et me suis pointé à la escuela pour 13h. David, un des responsable m’a accueilli et informé que la randonnée serait finalement à 13h30. Après une attente à lire et prendre des photos des environs, nous partions donc de l’école, en un petite groupe de 5. David nous informe alors qu’il faut passer au supermarché pour acheter des trucs pour le pique-nique. Nous nous y rendons, et laissons entrer Oscar, David et Kelsey du Colorado, alors qu'Esteban et moi patientons devant l’épicerie, puisque nous avons notre lunch. Dix minutes plus tard, David de Bruxelles rejoint les autres, toujours à l’intérieur. Vingt minutes plus tard, nos compagnons ressortent du dispensar avec des plats en styromousse, des ustensiles de plastique et douze cannettes de bière Gallo... et pas de nourriture.
Je suis intrigué par l’idée de se trimballer autant de poids (les 12 bières de David de Bruxelles) pour une randonnée en montagne, mais coup donc, j’ai tout mon temps et il fait un soleil splendide. Pendant la demie heure d’attente, alors que mon ami Esteban s’impatientait un peu, je lui ai expliqué qu’avec les latinos, il ne faut jamais être pressé; c’est toujours amical, intéressant, un peu désorganisé, certes, mais le truc, c’est de ne pas être pressé et toute activité sera agréable ou à tout le moins culturellement révélatrice :-).
Alors que nous croyons que le groupe est prêt à partir, David et Oscar m’informent que nous devons également passer par le mercado, pour acheter les ingrédients pour le pique-nique. Ingrédients? J’ai apporté quelques pâtisseries au jambon, avec des biscuits, des tostadas et une bouteille d’eau. On parle d’une montée qui, à vue de nez, devrait prendre une heure et demi, tout au plus.
Nous arrivons au mercado, où nos compagnons commencent à acheter des avocats, des tomates, des tortillas, bref, de quoi faire des sandwich ou des wraps… puis on se dirige vers les kiosques de viandes…



Sous le regard horrifié d’Esteban – qui en est à sa première visite d’un marché de viande latino - je réalise rapidement que nos amis ont l’intention de cuisiner un plat une fois rendu au sommet. God, je sens que la préparation de cette randonnée va être longue! :-)



En effet, on les voit ici en train d’acheter des saucisses et de la viande de porc à un des kiosques du mercado de carne. Ce type de marché est toujours une expérience sensorielle assez inoubliable. On voit plus de détails que l'on voudrait, on entend plus que l'on voudrait et on sent parfois tellement fort que ça goûte presque au fond de la gorge même quand on ne mange rien.
Passé 14h30 - et après l’achat de sel, de piments forts, de petit bois, de charbon et d’oignons - nous sortons enfin du marché pour entamer notre marche vers le Baul. Nous atteignons rapidement le sentier dans la Zona 4, puis nous montons à un rythme qui m’empêche de profiter du paysage. Je dois littéralement me voler quelques moments de pause pour prendre quelques photos, avant d’accélérer pour rattraper le petit groupe. Il devient évident que la randonnée est un prétexte pour se rendre en haut et y faire de la bouffe.




Arrivé au sommet, je profite du mirador pour prendre des photos de Xela, puis de quelques éléments du parc public, comme le monument à la présence historique des mayas. Pendant ce temps, mes copains sont déjà à l’œuvre avec une tentative de faire un feu de bois et de charbon pour la cuisson de leur pique-nique.



Alors que le feu tourne définitivement plus en fumée qu’en flamme (c’est un feu guatemalteco, m’informe alors David avec un grand sourire), la chaleur de l’après-midi commence déjà à disparaître, en hauteur, avec le vent et l’ombre des arbres, immobile, le froid s'installe. Je m’éloigne donc pour manger mon lunch sur un banc, au soleil.



Esteban m’accompagne et nous rigolons du manque d’organisation de nos copains. En effet, avec une heure trente de retard sur l’horaire d’origine, il fait plus froid que prévu sur la montagne, et le feu est lent à démarrer. Nous mangeons et profitons de quelques activités du parc, comme ces glissades en ciment, où les locaux trouvent rigolo de voir deux gringos se lancer avec enthousiasme.



Vers 16h, alors que le feu est encore timide, on place les oignons et quelques saucisses sur le gril, pendant que David de Bruxelles broie les avocats pour faire une guacamole, à l’aide d’une fourchette de plastique, qui ne survivra pas à l’opération plus de cinq minutes.



Entre temps, signe que le temps passe, les deux dames qui vendaient quelques produits dans un kiosque décident qu’il est assez tard et quittent les lieux, leur journée terminée. À part notre petit groupe de bozos devant leur barbecue improvisé, il ne reste guère de monde sur le Baul.



Après un temps, on fini par obtenir un feu de charbon qui semble assez fort pour cuire quelques morceaux du porc acheté au mercado, en autant qu'une personne souffle sur les braises en permanence, ce qui fini par donner le tournis à David. On entoure le tout de tortillas, on sort le fromage, et on place les tomates et les piments directement dans le feu pour gagner du temps. Heureusement pour la survie du projet, j’ai mon couteau suisse, qui permet de couper en tranches la viande impossible à couper avec le couteau en plastique apporté par la troupe. La fourchette de voyage (en métal) d'Esteban permet aussi la récupération des morceaux du repas qui tombent dans le feu.



Un peu avant 16h30, il y a un morceau de viande considéré assez cuit pour que David nous présente le plat du jour: un churrasco guatemalteco typique. On peut voir du porc et une saucisse de porc, du fromage, de la salsa, de la guacamole, des tortillas, de l’oignon et du piment fort. Même si je n’ai pas contribué à l’achat et que j’avais mon lunch, on m’invite à goûter au plat en question. Mon ami Esteban – déjà traumatisé par l’absence quasi-totale d’hygiène au mercado de carne – refuse poliment mais catégoriquement de manger quoi que ce soit issu du projet. Pour ma part, trouvant l’expérience culturelle qu’a été cette "épicerie / randonnée / leçon de cuisine" improvisée et particulièrement amusante, j’arrache un morceau de viande toujours sur le feu. La chose n’est pas mauvaise. D’abord, c’est très très bien cuit (on n’est jamais trop prudent), puis c’est surtout salé. Je pense que la dame du mercado avait passé sa viande crue dans une salaison pour la protéger plus longtemps des intempéries naturelles qui circulent dans le mercado en question.

--
Esteban et moi ne désirons pas nécessairement nous éterniser sur la montagne, et voulons surtout redescendre en ville avant le coucher du soleil. Car une fois le soleil parti, le froid pénétrant reviendra sur Xela, comme à tous les soirs. En plus, la dernière chose que j’ai envie de faire, c’est une descente dans l’obscurité dans un quartier de la ville que je ne connais pratiquement pas – et on comprendra que pour une randonnée de une heure trente sensée débuter à 13h, je n’ai pas apporté ma lampe frontale! Nous rentrons donc chez nous en ville.
--
Voilà, c’était ma relation d’une randonnée sur le Baul. Levé le matin avec l’idée d’aller aux eaux thermales, j’ai plutôt visité un mercado de viandes et légumes, perdu une heure trente dans le processus, dont une demi heure assis devant l’épicerie. J’ai gravi le Baul en moins d’une heure à partir du centre-ville, et j’ai assisté à la création d’un churrasco guatemalteco cuit sur un barbecue improvisé avec des ustensiles de plastique. Ah, j’oubliais, la salsa a été crée en écrasant les tomates cuites sur le charbon avec une cannette de Gallo. Et Kelsey du Colorado et David de Bruxelles ont chacun mangé une moitié d’un piment fort cuit, pour le regretter par la suite (ils riaient, mais jaune, disons). Quoi d’autres? Je vois encore l’expression d’Esteban dans le marché de viande, entre les oreilles, les pattes et la peau de cochon, les poulets jaunis et les chiens errants tentant de se dérober un morceau de ce festin.
--
Enfin, nous sommes bel et bien revenus en ville avant le coucher du soleil. Le lendemain, j’ai croisé Oscar et il m’a informé que la viande avait été cuite plus tard que prévu et que le groupe avait finalement quitté le sommet du Baul vers 18h, bien après le coucher du soleil.
--
Ah, en terminant, je n'ai eu aucun problème de santé suite à l'ingestion de mon morceau de viande. Le lendemain, l'école d'Esteban organisait un dîner de Noël et, pris pour partager le repas acheté au mercado, mon ami a expérimenté sa première turista.
TILA. :-)
--

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

L'Esprit Vagabond vous remercie de vous identifier (ou signer votre commentaire). Assumez vos opinions!
L'Esprit Vagabond est un blogue privé et ne publie pas de commentaires anonymes.