vendredi 29 janvier 2010

Cinéma, Casablanca, Citizen Kane, Guatemala

Depuis mon départ pour l'Asie, je dois avouer ne pas avoir vu beaucoup de films au cinéma. Trois mois à l'étranger n'aident pas nécessairement à garder le contact avec le 7e art. Certes, il y a des cinémas dans les grandes villes - et j'en ai profité pour voir quelques films à Bangkok et Kuala Lumpur - mais comme j'avais l'habitude de voir deux ou trois films par semaine dans la première moitié des années 2000, le rythme de voyage n'est vraiment pas le même.
Par la suite, sans trop que je ne m'en rende compte, j'ai plus profité de spectacles live et de festival pendant l'été que de cinéma. Puis vint l'automne, et un nouveau départ. Et le Guatemala n'est définitivement pas le pays idéal pour voir des films en salles. Antigua, mon premier port d'attache, ne comporte pas de cinéma au sens où on l'entend habituellement. Xela, mon autre point d'attache de ce séjour comporte un cinéma multi-écrans, à 40 minutes à pied de chez moi, et dans une zone plus industrielle, de l'autre côté de la Minerva, un des coins les plus louches de la ville. Le soir venu, le dernier endroit que je veux traverser, c'est bien La Minerva, et le chemin du cinéma à chez moi comporte aussi d'autres zones peu recommandables après le coucher du soleil.
De toute manière, tout ça pour dire que la vie, parfois, a ses bons côtés, mais que rien n'est parfait et que la période de novembre 2008 à février 2010 aura été une période assez maigre côté cinéma.
Question de ne pas souffrir d'un manque trop aigu, j'ai donc loué plusieurs films. Demeurer sur la rue Beaubien a cet avantage: un des meilleurs clubs vidéo de Montréal se trouve à quelques coins de rue de chez moi. J'ai donc passé mon automne dernier à louer des DVD, à la fois de films récents, de films moins récents mais qui m'avait passé sous le nez en salles, ou de vieux films que j'ai toujours voulu voir mais n'ai jamais pris le temps.
Et, bien sûr, un des plus grands plaisirs du 7e art: revoir des films qu'on a aimé.
Ce fut le cas de deux classiques, que j'ai revu avec autant de plaisir qu'à chaque visionnement. Et ceci est assez rare, malgré tout, au cinéma. Il n'y a pas tant de film que ça qui peuvent réellement supporter de multiples visionnement en procurant toujours autant de plaisir.
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Puis, tout récemment, en me baladant dans Antigua, au Guatemala, j'ai vu un café-bar qui m'a rappelé un de ces films - un de mes films favoris de tous les temps.
Il s'agit de Casablanca, de Michael Curtiz, sorti le 23 janvier 1943.
Casablanca, c'est un merveilleux petit film dont le scénario fin et bien écrit, superbement tricoté et qui se déroule via la caméra d'un réalisateur favorisant des mouvements de caméras fluides et un sens du timing qui impressionnent encore plusieurs décennie après sa sortie. Casablanca est aussi un mélange de genres particulièrement bien dosé; romance, aventure, drame, espionnage, suspense, le tout dans un décor qui apparaît aussi exotique à chaque visionnement.
De plus, Casablanca, pour un voyageur comme moi, ça évoque aussi le rêve, et l'idée d'aller un jour visiter cette ville devenue mythique un peu grâce au film. Casablanca c'est aussi Bogart en très grande forme, des personnages subtils, complexes et bien développés et un degré d'humour bien dosé et des dialogues savoureux. Enfin, Casablanca est aussi - pour le véritable amateur de cinéma - une superbe leçon de cinéma. Les premières 40 minutes devraient faire l'objet de visionnement dans tout bon cours de cinéma, tellement tout ce qui fait qu'un film peut être bon se trouve dans ces 40 minutes. Une pure perfection, comme peu de films réussissent à l'atteindre.
Voilà. Si jamais vous n'avez pas encore eu le plaisir de voir ce chef d'oeuvre, allez-y. Le soir où j'ai loué Casablanca pour le revoir (et le faire découvrir du même élan), j'ai eu encore bien plus de plaisir qu'en allant voir pour la première fois une des inepties qui polluent trop souvent nos cinémas. Parfois, avoir raté des occasions de voir des films en salle a eu ses bons côtés, et Casablanca était l'un d'eux.
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Par une étrange coïncidence - ou bien j'avais l'esprit ouvert à ce genre de choses - à peine quelques jours plus tard, après être arrivé à Xela, dans l'ouest du Guatemala, j'ai vu une demeure qui m'a rappelé un autre de ces classiques que j'ai revu en location à l'automne.
Je parle ici de Citizen Kane, de Orson Welles, sorti le 1 mai 1941.
Je pense que j'avais oublié à quel point ce film était bon. Si le film de Welles n'apparait pas aussi complexe dans son scénario, il n'en demeure pas moins un habile mélange de drame, de suspense et d'humour noir, ainsi qu'une belle leçon de réalisation.
Il y a tellement de bonnes petites idées dans ce film que j'en étais béat d'admiration après ce nouveau visionnement. Il faut dire que je n'avais pas revu Citizen Kane depuis fort longtemps et qu'à l'époque, je n'avais pas remarqué plusieurs de ces petites idées qui débordent les effets habituels de réalisation et la simple manière de raconter une histoire. Il serait long et fastidieux d'énumérer le genre de choses auquel je fais référence, mais si vous voyez le film, remarquez par exemple tout le plan d'ouverture, sur la maison de Charles Foster Kane (Xanadu) et tentez de voir avec quelle maîtrise des moyens de l'époque, Welles arrive à filmer toute cette scène en ne faisant apparaître la lumière qu'à un seul endroit sur l'écran, malgré les changements de perspectives et points de vue. Et l'effet fonctionne encore à merveille 60 ans plus tard! Je note que le film a aussi son degré d'humour particulièrement intelligent, et pose une critique sociale assez intéressante pour être encore d'actualité - et pertinente - près de 7 décennies plus tard. L'habile jeu de la fausse course à l'énigme, à laquelle seuls les spectateurs attentifs auront la réponse, est une touche qui complète un scénario intelligent. Enfin, pour ceux qui, comme moi, admirent des réalisateurs qui tentent des choses nouvelles au cinéma, aimeront les nombreuses insertions d'images d'archives et autres effets innovateurs du genre, qui auront pavé la voie à des cinéastes inventifs.
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Citizen Kane a été un échec au box office lors de sa sortie en salles. Il n'est sortie à nouveau que quelques années plus tard pour être plu apprécié du public. En 1998, l'American Film Institute (AFI) nommait Citizen Kane meilleur film de l'histoire du cinéma. Lors de la publication de son nouveau classement en 2007, l'AFI nommait toujours Citizen Kane comme film numéro un de l'histoire.
Citizen Kane, comme Casablanca, est un film tourné en noir et blanc, et chacun des deux réalisateur fait un usage du noir et blanc qui est magistral. Alors que Welles utilise plusieurs scènes très contrastées, qui ressemblent presque à un effet de bande dessinée, Curtiz joue sur plusieurs niveaux de gris, avec les brume, les nuages, la fumée, et fini par nous montrer une ville qui nous semble presque en couleur.
Dans son classement de 2007, l'AFI a nommé Casablanca comme 3e meilleur film de tous les temps.
Pour ma part, j'ai toujours un peu préféré Casablanca à Citizen Kane.
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Photos:
1. Riki's Bar, La Escudilla, Antigua, Guatemala.
2. Casa Anonima, 3a Calle Zona 1, Quetzaltenango, Guatemala.
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