samedi 9 avril 2011

Couche-Tard, les mauvais citoyens corporatifs et les enjeux sociaux

Les lecteurs de ce blogue auront une impression de déjà-vu en lisant le titre de ce billet. Ce titre, il fait référence à un autre billet - publié en novembre 2009 - dans lequel je faisais une petite montée de lait contre la politique peu respectueuse de l'environnement pratiquée dans certains dépanneurs Couche-Tard, en relatant une expérience personnelle vécue à la succursale juste en bas de chez moi, au coin Beaubien et St-Denis.
Dans ce billet, je posais plus ou moins la question de savoir si Couche-Tard avait été un bon citoyen corporatif (dans une affaire de recyclage).
Étrangement, c'est justement par cette succursale du coin Beaubien et St-Denis que la réponse allait venir un an et demi plus tard. Et cette réponse, c'est non.
Vous aurez peut-être lu la nouvelle, ou vu la nouvelle aux informations télévisée, la chaîne Couche-Tard a décidé subitement de fermer le dépanneur Beaubien/St-Denis. Vendredi matin, on est venu placarder les fenêtres, retirer les enseignes et mettre une affiche "A louer". La chaîne évoque la non rentabilité de la succursale pour expliquer cette fermeture... qui coïncide étrangement avec le processus de syndicalisation entrepris par les employés.
Pour ma part, je n'y crois pas une minute; j'allais souvent dans ce dépanneur et c'était très achalandé. Et s'il était aussi peu rentable, je me demande bien pourquoi Couche-Tard aurait pris la peine d'investir dans des rénovations majeures deux fois au cours des dernières années, dont une fois il y a à peine quelques mois. J'imagine que la centrale syndicale tentera une action contre Couche-Tard, même si ce genre de chose est difficile à prouver et que les chiffres ont tout le temps voulu pour être... ajustés d'ici là.
Je dois avouer que je ne vois pas en quoi les employés d'un Couche-Tard ont tant à gagner à se syndiquer. Je vois mal, au coût des cotisations syndicales, ce qu'il y aurait eu à gagner en terme de conditions de travail dans un emploi souvent temporaire, que plusieurs candidats sont prêts à occuper, qui ne requiert que peu ou pas d'expertise ou d'expérience et qui ne sera conséquemment jamais payé à un salaire élevé. Quand à la centrale syndicale, j'imagine qu'elle y voit essentiellement des nouveaux membres potentiels, représentant des nouvelles cotisations, car je ne comprends pas non plus quel combat majeur devrait se jouer autour des conditions de travail dans les dépanneurs.
Je ne suis donc pas très syndicaliste, surtout dans un cas comme ça. Pourtant, syndicaliste ou non, j'ai trouvé scandaleuse l'attitude de Couche-Tard, que je n'hésite pas à condamner tellement l'affaire est évidente (1). Visiblement, le coup de force, qui veut certainement servir d'exemple pour les autres succursales qui songeraient à se syndiquer, vise également à démontrer que l'entreprise se considère au-dessus des lois, ce qu'elle est peut-être, l'avenir nous le dira. (Le dossier du Journal de Montréal nous a montré que Québécor était au-dessus des lois anti-briseurs de grève, alors j'imagine que d'autres corporations peuvent également s'élever au-dessus des lois).
Une corporation ne devrait jamais traiter ses employés ainsi. Jamais. Les ex-employés de cette succursale se sont vus remercier sans aucune considération pour le travail qu'ils faisaient pour la chaîne (2). En tant que client, j'ai toujours été bien reçu et je trouve déplorable que Couche-Tard rejette ainsi leurs efforts. La compagnie, en plus de lancer le message de sa toute puissance, de la domination du corporatisme sur l'individu, contribue par ce geste à illustrer combien les corporations d'aujourd'hui sont sans âme et n'hésitent pas à jeter aux ordures leurs employés. Comment, dans un tel contexte, voulez-vous que les employés d'aujourd'hui - et souvent des jeunes dans le cas des Couche-Tard - ne soient pas cyniques envers les compagnies et les employeurs en général? Comment voulez-vous que les jeunes croient au dévouement ou à tout le moins à l'importance de la loyauté envers une entreprise? On reproche aux jeunes de ne pas faire d'efforts, de ne pas s'impliquer sérieusement dans leur emploi, mais pourquoi le feraient-ils après avoir vu ce genre de comportement corporatif? On se demande pourquoi les gens sont cyniques? Dans ce cas précis, c'est Couche-Tard qui agit avec cynisme, pas ses ex-employés.
Dans le cas qui nous occupe, donc, les placards de bois se sont rapidement retrouvés décorés de graffitis - quelques messages étaient déjà apparus en après-midi de vendredi. Dans la nuit de vendredi à samedi, d'autres messages dénonçant le capitalisme et le corporatisme s'y étaient ajoutés. Dans la journée de samedi, Couche-Tard a rapidement fait repeindre les placards en noir... et samedi en après-midi, des graffitis à la craie étaient apparus sur le trottoir menant à la porte, elle aussi ornée d'un nouveau message, l'ensemble appelant au boycott. Des craies ont été laissées sur le sol avec un message invitant à s'en servir pour dénoncer l'entreprise.
Personnellement, je n'entrerai plus dans un Couche-Tard, ne serait-ce que par respect pour ces gens qui m'ont servi au fil des ans au coin Beaubien et St-Denis. Que l'on soit d'accord avec leurs intentions syndicales ou non, ils méritaient d'être traités avec respect par leur employeur.
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(1) L'histoire est pleine de trou. Par exemple, dans l'article de Cyberpresse, on peut lire "«Nous étions locataires de cette bâtisse et du terrain. C'est désormais à leur propriétaire de décider quoi en faire», a indiqué Denise Deveau, porte-parole de Couche-Tard". Ce que le porte-parole oublie de mentionner, c'est qu'en tant que locataire, Couche-Tard avait certainement un bail corporatif, et qu'en vertu de ce bail, il devra certainement payer son loyer tant que le propriétaire n'aura pas reloué les lieux. 
(2) Selon les témoignages retenus par les journalistes, aucun des employés congédiés ne s'est vu offert un transfert vers une autre des centaines de succursales de l'entreprise. Or si on ferme pour cause de non rentabilité, pourquoi prendre la peine de former de nouveaux employés dans d'autres succursales au lieu de profiter de cette main d'oeuvre déjà formée?

3 commentaires:

  1. Denis7:16 PM

    Salut, je suis d'accord avec ce que tu as écrit, du moins pour la partie sur Couche Tard.
    Je sais que tu n'es pas syndicaliste et que tu as eu la chance d'avoir de bon patrons.
    Pour ma part je comprends que ces employés aient voulu se syndiqué. C'est facile a comprendre simplement de la façon qu'ils ont été traité. S'ils avaient été bien traité au départ ils n'auraient probablement même pas pensé se syndiquer.
    Tu me connais tu sais que j'ai toujours été syndiqué et en principe bien traité par mon employeur. Les syndicats ont leurs places et tant et aussi longtemps qu'il va avoir des employeurs comme Couche Tard les syndicats vont avoir une place pour les employés qui veulent avoir des conditions de travail décentes.

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  2. Je suis d'accord avec toi,pour avoir vécu quelque chose d'écoeurant. Gi

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  3. On peut suivre les nouveaux développements sur
    un billet subséquent.

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