mardi 28 février 2012

Ock

Ock
Par Hugues Morin
*
- Ock, ock!
Ock sortit de sa caverne pour découvrir que la température avait continué de chuter.
Ock avait vu là un signe de l’arrivée de la saison sans nourriture et il avait entreprit de faire des provisions. Après trois jours à ramasser tout ce qui était comestible et à l’enterrer près de sa caverne, il prit une journée de repos bien méritée. C’était un samedi d’octobre mais Ock n’en savait rien puisque le calendrier julien ne serait inventé que plusieurs siècles plus tard.
Ock fut importuné pendant sa sieste par la visite de Gah.
Gah venait quêter de la nourriture. Ock le chassa de chez lui. Il l’avait vu qui s’amusait à courir les femelles même si la saison des amours était terminée. Pendant que Gah prenait du bon temps, Ock travaillait dur pour amasser ses provisions. Gah n’en avait pas et il devait bien sentir lui aussi que la dure saison arrivait bientôt. Il avait peur, mais tant pis pour lui. Ock se rendormit. Il avait peu dormi pendant les nuits précédentes, ses activités de ramassage l’occupant pendant une bonne partie de la nuit.
Ce fut un frisson qui réveilla Ock.
Un air glacial s’engouffrait dans sa caverne. Il sortit jeter un oeil à l’extérieur. Il avait bien fait de faire des provisions. L’air qui rendait trop dur la nourriture était bien arrivé. Ock alla vérifier que ses provisions n’avaient pas été pillées par un de ses congénères. Il souleva l’épais tapis de feuillage et de paille sous lequel il avait amassé ses victuailles. Rien n’avait été touché. Ock soupira. À chaque début de saison dure, il arrivait que de vaillants ramasseurs se fassent voler leurs provisions. Et comme l’assurance-habitation n’était pas plus inventée que le calendrier à cette époque, la pauvre victime devait se débrouiller autrement.
Ce dimanche matin, Gah revint à la caverne de Ock.
- Gah, gah!
Il le supplia de lui donner de la nourriture. Ock voulut le chasser à nouveau, mais il permit plutôt à Gah de se nourrir, puis Gah s’en retourna. Le soir venu, le temps s’était calmé. Une douce brise réchauffait les membres d’Ock, assis devant sa caverne. Peut-être avait-il fait erreur en croyant la dure saison venue. Il ne savait trop. Le ciel était de cette couleur qui annonçait une belle journée pour le lendemain, mais Ock n’avait aucune idée de ce que signifiaient les couleurs prises par les cieux. Les météorologues qui lui succéderaient n’en sauraient guère plus sur les prévisions du temps, mais c’est une autre histoire.
Gah revint chez Ock le soir suivant.
Il avait consacré sa journée à ramasser des provisions. Et il venait remettre à Ock une portion d’un repas. Il lui remit une plus grande quantité de nourriture que ce qu’il avait consommé, en guise de remerciement pour sa générosité.
Après le départ de Gah, Ock se recoucha et s’endormit.
L’été indien venait de débuter, un concept qu’Ock ne reconnaîtrait pas de son vivant. Toutefois, cet été indien permettrait à Gah de ramasser assez de provision avant la saison froide. Et Gah croirait toujours avoir survécu grâce à Ock, ce qui est bien excessif, puisque Gah aurait bien pu jeûner une journée entière. Mais Gah ne pousserait jamais son raisonnement jusque-là.
De son côté, sans s’en rendre compte, Ock avait accompli un geste historique qui se perdrait pourtant dans la nuit des temps, avec cet échange de nourriture avec Gah et le remboursement de ce dernier.
Ils avaient inventé le crédit.
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© Hugues Morin, 2011.

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