vendredi 9 mars 2012

Jutras 2012: Quelques choix et quelques prédictions

Même si je ne ferai pas le vrai jeu des prédictions avec les Jutras comme je le fais avec les Oscars, je peux au moins me compromettre en ce qui a trait à mes choix personnels. Si je ne fais quelque deux ou trois prédictions, c'est que les Jutras sont assez difficiles à prévoir, compte tenu des changements de règles dans le temps (ce qui empêche l'analyse de tendances ou de statistiques fiables). Ils sont aussi votés par une "académie" beaucoup plus petite que celle des Oscars, dont je ne connais pas la composition, ce qui rend difficile d'imaginer des effets de masse (quelques vagues ont plus d'influences qu'aux Oscars). Enfin, ils ne font pas partie d'un circuit de prix annuels comme il en existe un aux États-Unis et qui permet souvent de voir se développer des tendances dans l'industrie. Quand à mes choix personnels, je les ferai ici comme aux Oscars, sur la base de nominations, puisque mes choix vraiment personnels comprennent parfois des films/artistes/artisans qui ne sont même pas en nomination.
Je me concentre donc sur huit catégories majeures, soit essentiellement les mêmes qu'aux Oscars (il n'y a qu'une catégorie de scénario aux Jutras).

Devant la caméra
Meilleur acteur: Gilbert Sicotte, dans Le Vendeur. Sicotte porte tout le film sur ses épaules (il n'y a que quelques courtes scènes où il n'apparaît pas), et compose un personnage attachant avec des dialogues minimalistes et des silences souvent évocateurs. C'est l'interprétation la plus difficile et la plus subtile de l'année. Fellag, dans Monsieur Lazhar, offre lui aussi une performance remarquable, mais il est entouré d'une histoire et d'une distribution de soutien que n'a pas Sicotte dans un film où il est l'histoire. Je me risquerais même à faire de ce choix une prédiction également.
Meilleure actrice: Céline Bonnier, dans Côteau Rouge. Une des catégories où j'ai vu le moins de nominées. Bonnier, donc, dans un rôle de composition (une sorte de nunuche décalée, obnubilée par l'argent de son mari, un riche promoteur sans scrupules). Son interprétation de cette excentrique qui feint une grossesse (sa mère est mère-porteuse de son futur bébé), sert à merveille un scénario original et déjanté et son personnage, bien qu'antipathique, n'est pas détestable pour autant.
Meilleure actrice de soutien: Sophie Nélisse, dans Monsieur Lazhar. Gênant à dire, mais je n'ai pas eu l'occasion de voir les prestations des autres nominées. La bande annonce du Sens de l'humour m'a suffit sans me donner le goût de voir le film, La peur de l'eau est sorti alors que je me concentrais sur les Oscars, et j'ai juste raté les deux autres pour le moment. Je me serais abstenu, mais la jeune Sophie était excellente dans le film de Philippe Falardeau, alors ça ne me gêne pas d'en faire mon choix.
Meilleur acteur de soutien: Émilien Nérondans Monsieur Lazhar. Je voulais m'abstenir de remettre un Jutra à qui que se soit d'autres que Paul Doucet, pour sa mémorable et grandiose interprétation dans Funkytown, mais le jury ne l'a même pas mis en nomination ("oubli" que la plupart des critiques cinéma ne comprennent pas plus que moi). Je donne donc le prix à un jeune, qui pour son âge, a composé un personnage difficile avec crédibilité et naturel.

Derrière la caméra
Meilleur réalisateur: Jean-Marc Vallée, Café de Flore. J'aurais normalement hésité très longuement entre Vallée, Daniel Robi (Funkytown), André Forcier (Côteau Rouge), Philippe Falardeau (Monsieur Lazhar) et Sébastien Pilote (Le Vendeur), qui ont tous effectués à mes yeux un travail de réalisation exceptionnel cette année. Le jury a toutefois limité mes choix à deux, alors j'y vais avec Vallée, dont le film, dans son ensemble, est une réussite artistique plus évidente que Monsieur Lazhar, dont la réalisation est plus conventionnelle. Je choisis donc l'audace d'un montage nerveux et complexe, d'une musique-personnage, d'un entrelacement d'images et de scènes, qui font donc de Vallée le meilleur réalisateur des deux cette année.
Meilleur scénario: Philippe Falardeau, Monsieur Lazhar. Plus difficile qu'il ne semble d'adapter la pièce, dialogues fins et bien écrits, qui sonnent justes, traitement parfait de plusieurs sujets délicats, le scénario de Falardeau est définitivement le meilleur texte cinématographique de 2011 au Québec, et l'un des meilleurs scénarios de l'année, toutes provenances confondues. Sinon, mon second choix aurait définitivement été vers André Forcier, dont Côteau Rouge est un délice original et décalé, une rareté au cinéma Québécois, qui rappelle certains textes des frères Coen dont je suis un grand fan. Si je me risque à une prédiction ici; j'imagine mal comment le Jutra pourrait échapper à Falardeau dans les circonstances.

Films
Film s'étant le plus illustré hors-Québec: Incendies, de Denis Villeneuve. Nommé aux Oscars (États-Unis), aux BAFTA (Angleterre), aux Césars (France), gagnant de huit prix Génies (Canada - ben quoi, c'est "hors-Québec") et plusieurs festivals et prix de critiques étrangers. Difficile de faire mieux. Mon choix, donc, ainsi que ma prédiction. Monsieur Lazhar est sur la même voie, mais avec les décalages, même s'il a mis Sundance à son palmarès, il lui manque les BAFTA et les Césars pour prétendre avoir joué autant qu'Incendies dans la cour des grands. Évidemment, si le film de Falardeau avait remporté l'Oscar, la surprise aurait peut-être été d'assez bonne taille pour le faire devancer le film de Denis Villeneuve (en supposant que les votes ne soient pas tous complétés avant les Oscars).
Meilleur film: Monsieur Lazhar. Parmi les films en nomination, c'est définitivement le meilleur film que j'ai vu cette année. Mon choix est facilité par l'absence inexplicable de Café de Flore dans cette catégorie, mais je pense que j'aurais tout de même choisi Monsieur Lazhar pour ses très nombreuses qualités artistiques ainsi que le grand humanisme de son scénario et sa réalisation en finesse.
Ce choix est également une prédiction, puisque comme l'an dernier avec Incendies, les membres votant des Jutras n'auront d'autre choix s'ils ne veulent pas démolir la crédibilité des prix québécois. En effet, comment pourrait-on justifier que le film que l'on a choisis pour nous représenter aux Oscars, et qui s'y est retrouvé en nomination, ne soit pas le meilleur film de l'année au Québec? Si un film absolument exceptionnel était sorti en toute fin d'année, peut-être, mais ce n'est pas le cas cette année. En fait, parmi les films en nomination, seul Le Vendeur est de la même trempe, même si les autres films sont de très bonne qualité.
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Vos choix? Vos prédictions? Vos grands oubliés de la liste des nominations?

1 commentaire:

  1. Après le gala, on a attiré mon attention sur l'article de The Gazette, dont le titre évoque l'absence inexplicable de Paul Doucet à titre de meilleur acteur de soutien, un élément que j'avais soulevé ici, à deux reprises.
    Pour lire l'article:
    http://blogs.montrealgazette.com/2012/03/12/shameful-that-paul-doucet-snubbed-by-the-jutra-voters/

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