mercredi 16 mai 2012

Crise sociale: La répression, ou le pas vers un état policier

Tout le monde parle maintenant de Loi Spéciale pour forcer le retour en classe de dizaines de milliers d'étudiants et museler la crise sociale qui secoue le Québec.
Quiconque lit un peu sur les médias sociaux aura noté que le gouvernement Charest avait déjà commencé à tâter le terrain en effectuant un sondage sur l'idée d'une Loi Spéciale dès samedi dernier; la chose n'étonne donc pas.
Alors que tous les étudiants membres d'associations ayant voté contre la grève ont respecté ces décisions démocratiques, on a vu depuis le début du conflit étudiant que ce n'était pas la même attitude là où le vote démocratique avait été pour la grève.
La Loi Spéciale n'est donc que le prolongement logique de la politique des injonctions, avec plus de dents et s'appliquant à tous.
C'est, en un mot, légiférer le déni du droit de grève des étudiants; une première dans l'histoire du Québec.
Et une Loi Spéciale, après les injonctions individuelles, c'est choisir la répression.
En tant que citoyen, on est en mesure de s'inquiéter que le gouvernement envisage cette avenue.
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Je me demande ce qui va se passer si une masse importante d'étudiants décide de ne pas respecter la Loi en question. Devra-t-on alors les battre plus fort à coup de matraque pour les y forcer? Devra-t-on placer des corps policiers dans chaque couloir de chaque cégep et de chaque pavillon universitaire? faire escorter les professeurs récalcitrants menottes aux poignets? Ou les arrêter tous et construire un nouvel établissement de détention dans le nord pour les y emprisonner? Et les parents, et les professeurs qui les supportent? Eux aussi en prison?
Poser ces questions me semble pertinent, puisque l'Histoire nous enseigne que ça s'est fait, et à grande échelle, et au vu de tous, et que ça se fait encore, aujourd'hui, dans divers pays du monde. Je ne vois pas pourquoi nous serions une exception.
Et la répression, ce premier pas vers un état policier, c'est possible en autant que la majorité de la population ait peur.
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Cette Loi Spéciale ne serait jamais accepté dans un état démocratique, si la rhétorique de la violence n'avait pas été dès les premières semaines du conflit, mis de l'avant par le gouvernement Libéral.
Le gouvernement a utilisé une des plus vieilles stratégies politiques au monde: faire peur aux citoyens. L'utilisation d'une accusation liant le mot "terrorisme" au mouvement étudiant était d'ailleurs le point culminant de cette rhétorique de la peur.
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La Rhétorique désigne l'art ou la technique de persuader, généralement au moyen du langage. (Wikipedia).
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«Le gouvernement doit s'assurer que, dans chaque cégep, chaque université, les étudiants qui souhaitent retourner en classe puissent retourner en classe lundi matin», a fait valoir le caquiste François Legault. Quitte à faire appel aux policiers, a-t-il dit. (La Presse).
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État policier: État qui pour maintenir et faire respecter les prérogatives du pouvoir politique utilise la police. (Wikipedia).
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"M. Bachand a dit aujourd'hui qu’il faut faire cesser les gestes d’intimidation de ces groupes. «Assez, c’est assez», a lancé le ministre responsable de la région montréalaise. "Il y a des groupes radicaux qui systématiquement veulent déstabiliser l’économie de Montréal. Ce sont des groupes anticaptalistes, marxistes". (Le Devoir).
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Vous croyez que le Québec n'a pas déjà fait un pas dans cette direction?
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Il est interdit à quiconque participe ou est présent à une assemblée, un défilé ou un attroupement sur le domaine public d'avoir le visage couvert sans motif raisonnable, notamment par un foulard, une cagoule ou un masque. (Libellé proposé du nouveau réglement municipal du conseil de ville de Montréal).
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"Il est vrai que les policiers du SPVM auront à exercer un certain discernement entre ce qui est un motif raisonnable et ce qui ne l'est pas". (Propos de Réal Ménard, Maire d'arrondissement. La Presse).
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"Le travail de la Sûreté du Québec ce week-end à Victoriaville a été «remarquable», a souligné le premier ministre du Québec, Jean Charest, hier après-midi, alors que deux jeunes qui ont pris part à la manifestation de vendredi soir étaient toujours hospitalisés en raison de blessures graves à la suite d’une charge des policiers". (Le Devoir).
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"Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a qualifié «d’intolérable» et «d’injustifiable» l’action qui a entraîné la paralysie du métro. «L’heure est venue de trouver les coupables, de rétablir le service à la population et de rassurer la population», a ajouté le ministre". (Le Devoir).
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"Les quatre jeunes suspects arrêtés hier, en lien avec l'affaire des engins fumigènes qui ont paralysé le métro jeudi, devront se défendre contre des accusations d'incitation à craindre des activités terroristes, a annoncé ce samedi le Service de police de la ville de Montréal. Ils risquent cinq ans de prison". (La Presse).
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"Évoquant les violences, attribuées à des "terroristes", le chef d’état affirme que «l'État a été prompt à remplir son devoir de protection de ses citoyens». «L'État a voulu donner à ceux qui s'étaient éloignés du droit chemin, le plus grand nombre d'occasions, mais ils ont intensifié leur terrorisme. Il fallait donc agir pour ramener la sécurité et la tranquillité, et imposer la loi», ajoute le chef d’État".
(Propos de Bashar Al Assad, rapportés par le Nouvel Observateur).
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La question n'est plus de savoir quel pas a été franchi, mais où cette marche vers un état policier va s'arrêter, si elle s'arrête.
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AJOUT - Ceux qui pensent que j'exagère devraient lire les relations de la "saisie préventive" d'un autobus à Laval le 15 mai dernier. La SQ a détenu, fouillé, questionné et emprisonné temporairement 18 personnes sans les arrêter, sans leur lire leurs droits et sans les informer pourquoi ils étaient sous détention.
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Lectures supplémentaires suggérées:
Mathieu Bock-Côté: Un mot sur la Loi Spéciale.
Jean-François Lisée: Urgence, avant l'irréparable.
Rima Elkouri: Les professeurs et la matraque.
Josée Legault: Dommages collatéraux.

1 commentaire:

  1. Salut, beaucoup d'étudiants ont voté contre la grève. Mais beaucoup parmi eux était contre les augmentations imposées par le gouvernement. Une loi spéciale n'amènera pas la paix. Elle va simplement encourager ceux qui ont voté contre de se rallier avec ceux qui ont voté pour
    Je ne comprends pas ce que gouvernement cherche en agissant comme ça.

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