mercredi 31 décembre 2014

Au revoir 2014; mes souhaits pour 2015

Voici une autre année qui s'achève, une très bonne année en ce qui me concerne.
Pour moi, l'année 2014 a débuté avec la publication de mon journal de vacances à Cuba, terminées à peine quelques heures avant le début de l'année.
Puis, c'est en Équateur que je me suis rendu, pour plusieurs semaines, afin d'entamer une réflexion sur mon premier projet de coopération, qui avait eu lieu dans ce pays dix ans plus tôt.
L'Équateur m'aura permis - 7 ans après mon dernier séjour sur ses terres - de revoir Quito, mais surtout mes amis Evelyn et Leandro, et Nely, puis les enfants de Lloa (mes anciens élèves devenus grands et les nouveaux enfants de l'école) et enfin, vivre à nouveau avec ma famille équatorienne, les Mueses.
Mes voyages de 2014 m'ont aussi permis de voir les vestiges de l'une des ancienne merveille du monde antique (le Temple d'Artemis) et de visiter deux des plus complexes sites de l'époque romaine (Ephèse et Pompéi). Ne serait-ce que pour ça, 2014 serait déjà une année exceptionnelle.
Mais ces voyages m'ont également donné l'opportunité de passer du temps de qualité avec mes parents pendant nos trois semaines en Italie, trois semaines au cours desquelles j'ai appris à mieux connaître mon père (même si j'ai été un peu dur avec lui en cours de route et sur ce blogue), et je crois que ce séjour nous aura permis de nous rapprocher encore. Quelle agréable aventure ça a été.
Aventure qui s'est terminée en Turquie, alors que j'avais le plaisir d'y rejoindre Suze et Istvan, mes deux complices de toujours. Si j'émettais un souhait pour 2015 ça serait bien de voyager encore longtemps avec eux!
De retour au Québec après avoir trimbalé mon sac à dos dans quatre pays du globe répartis sur trois différents continents (pas mal quand même), j'ai profité de l'été pour faire beaucoup de vélo - dont quelques tours sur le circuit Gilles Villeneuve - et j'ai fait des projets d'artisanat avec mon chat :-). Je n'ai pas délaissé la province côté voyage non plus, puisque j'ai débuté son exploration rurale par la visite de quelques petits villages charmants.
Si mon automne a été plus tranquille, il m'a surtout permis de consolider quelques projets littéraires dont vous entendrez certainement parler en 2015 si vous suivez ce blogue.
Enfin, même si elle ne faisait que 750 mots, ma nouvelle au sommaire du plus récent Solaris a fait de 2014 une autre année où j'aurai au moins publié une nouvelle en professionnel, objectif minimal que je réalise depuis quelques années déjà.
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Je termine donc ce survol de cette excellente année qu'a été 2014 pour moi en vous souhaitant une merveilleuse année 2015, remplie de joie et de petits bonheurs, de rencontres et de petits moments qui font l'unicité et souvent la qualité de nos vies.
On ne réalise pas encore vraiment, mais ce 1 janvier 2015 marque un moment où l'année 2030 n'est pas plus éloignée de nous que ne l'est l'année 2000.
Comme je crois que nos vies sont en grande partie ce que nous en faisons, je vous souhaite en quelques sortes de refaire votre monde en 2015, selon vos désirs et intérêts... comme j'ai moi-même décidé de le faire sous forme de loisir de salon pendant les vacances des fêtes - voir photo.
Bonne année 2015 à tous.
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samedi 27 décembre 2014

Pour apprendre et rigoler, ou un PS sur l'austérité.

Après une série de billet plutôt... austère... voici quelques informations complémentaires, et quelques captures d'écran pour rigoler un brin, question de ne pas trop déprimer devant l'ineptie du gouvernement et d'une bonne partie de la population qui le soutient.


D'abord, quelque chose de sérieux, la répartition des revenus du Québec. On remarque deux choses intéressantes parmi plusieurs: la première est la portion des revenus issus des entreprises (3,9%) par rapport aux particuliers (20,5)... une proportion qui est en baisse constante depuis les années 60. Aussi, je note la contribution de 5,0% des entreprises du gouvernement, une contribution importante pour ceux qui dénigrent les entreprises comme la SAQ a été visée récemment, par exemple.


Toujours sérieux, Gérald Fillion indique l'évolution très récente (les 15 dernières années) du taux d'impôt des entreprises au pays.


Un tweet pour détendre l'atmosphère, et qui souligne la facilité de citer des formules (on fait ça pour nos enfants!)


Un rappel toujours utile sur qui est touché ou non par l'austérité à la Couillard.


Une référence au peintre Magritte pour expliquer la rhétorique du Premier Ministre.


Dans la série "Mieux vaut en rire qu'en pleurer".


Enfin, même sentiment ici.
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Pourquoi je ne parlerai pas d'austérité avec les beaux-frères aux partys des fêtes (2)

Note: On devrait lire l'introduction de ce billet, qui trouve son origine il y a plus de deux ans.
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Après avoir survolé les impacts des politiques d'austérité, la question de la dette et celle des finances publiques, je concluais - dans la première partie de ce billet - qu'on était en mesure de questionner la compétence du gouvernement Couillard.
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Un mot sur la compétence en politique.
Quand on parle de réviser les programmes pour qu'ils soient plus efficaces, qu'ils conviennent mieux à notre situation économique ou démographique, personne ne peut être contre.
Quand on improvise les solutions sans se baser sur des faits ou des études, mais qu'on y va à l'idéologie ou à la va-vite, ça démontre une grande incompétence en la matière.
L'exemple des tarifs de garderie est patent. Peut-être faut-il moduler les tarifs de garde en fonction du revenu - même si je ne suis pas pour cette avenue à cette étape de la discussion, ça ne veut pas dire que je ne changerai pas d'idée si on me démontre le bien fondé de cette idée - mais il faudrait donc en discuter, avec des gens spécialisés, étudier la question en regard des faits et des données, comparer ce qui s'est fait et se fait ailleurs avec les impacts de telles mesures, bref, faire son travail avec compétence. Dans ce dossier, la ministre accouche d'un projet de loi en quelques semaines, et avoue quelques jours plus tard n'avoir jamais pensé à l'impact de sa réforme sur l'intégration des femmes au marché du travail.
Les exemples dans les dossiers relevant de l'Éducation sont légion, le ministre Bolduc étant devenu l'image même de l'incompétence en la matière - un rôle fort utile au reste du gouvernement et au premier ministre qui peuvent avoir l'air, par comparaison, moins incompétent.
Dans n'importe quel domaine - le mien comme celui de mon beau-frère - autant d'incompétence que ce qui a été démontré par les ministres du gouvernement Couillard aurait été récompensé par une sérieuse remise en question, voire un renvoi pur et simple. Pas en politique, où on tolère l'incompétence comme nulle part ailleurs, en acceptant souvent stupidement que la démocratie se résume à faire un X aux quatre ans pour les moins pires parmi les incompétents.
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Où s'en va donc le Premier Ministre avec tout ça?
On est en mesure de se demander pourquoi notre Premier Ministre et ses ministres les plus influents refusent de voir les évidences énoncées dans la première partie de ce billet, pour qui veut bien se documenter sérieusement sur ces questions. L'affaire est d'autant plus étonnante de la part de dirigeants au profil scientifique comme le sont nos ministres-médecins. Après tout, selon le chercheur David Stukler, cité auparavant, si on avait appliqué les règles de base de la recherche en médecine aux politiques d'austérité, il y a longtemps qu'on les aurait abandonné, tellement leurs effets secondaires néfastes sont dramatiques.
Pourquoi donc?
À cause d'une des choses les plus dangereuse chez un dirigeant: une idéologie qui lui tient lieu de Bible. Notre Premier Ministre et ses ministres les plus influents préfèrent jouer le présent et l'avenir du Québec et des québécois sur une idéologie politique plutôt que des faits, des études et des données.
Antoine Robitaille rapporte que pour Philippe Couillard, l'inspiration suprême lui vient d'un livre écrit par deux économistes anglais d'extrême droite (qui considèrent que les réformes Thatcher n'étaient qu'une demi-révolution et auraient dû aller bien plus loin!). En fait, loin de voir la révolution culturelle Reagan-Thatcher comme un échec (la crise boursière et la crise économique de 2008+ découle directement des dérèglementation et réduction de l'état issus de cette époque), ils trouvent qu'elle n'a été qu'un demi-succès et invitent donc le monde à aller plus loin dans cette direction.
Mathieu Bock-Côté commente cette source d'inspiration du Premier Ministre. Dans un billet clair et concis compte-tenu du sujet, le sociologue explique que «Dans l’imaginaire thatchérien, il y a un grand soir: c’est celui où les forces attachées à l’État providence s’effondrent enfin et où le nouveau modèle de société fondé sur le primat du marché peut enfin s’installer en paix».
Voilà où va notre gouvernement; déconstruire le modèle sur lequel le Québec s'est créé, politiquement et économiquement, pour le remplacer par le modèle que l'on vénère, sans l'avouer franchement, et sans l'avoir annoncé en campagne électorale. (Ce lien détaille quelques écarts entre la "réalité-Couillard" et la "fiction-électorale" présentée en campagne.Voilà un bon argument contre les tenants de la démocratie réduite à un X aux 4 ans).
L'historien et politicologue Jean-François Nadeau commente également cette idéologie de laquelle se réclame le Premier Ministre avec une remarque qui donne froid dans le dos: «Il a fallu onze ans à Thatcher pour conduire sa contre-révolution et asseoir une domination néolibérale qui a fait école. Au Québec, le ministre des Finances, Carlos Leitão, affirme qu’en deux ans il aura atteint les objectifs qu’ils s’étaient fixés».
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Un mot sur le respect de la fonction de chef d'État.
Lors des dernières élection - notre occasion aux quatre ans d'exercer la démocratie selon plusieurs - le Parti Libéral n'a que peu parlé de son programme, se contentant d'accuser les péquistes de secrètement vouloir faire un référendum sur la souveraineté du Québec et d'ainsi créer de l'incertitude, une horreur qui allait plomber l'économie du Québec pour des années. On nous promettait alors l'effet Libéral qui, en éliminant cette incertitude, allait créer 250 000 emplois. Le reste du programme Libéral est à peu près passé sous silence (mais il est intéressant de noter qu'il prévoyait annuler la hausse des tarifs de garderie planifiée par le PQ à 9$ sur deux ans) et plutôt indexer ces tarifs. On nous promettait aussi de ne pas hausser les taxes ni les impôts, et de stimuler l'économie et de créer des centaines de milliers d'emploi (ce lien, déjà évoqué, fait un survol de ces promesses comparées à la réalité).
Fraîchement arrivés au pouvoir, le gouvernement Couillard s'est aussi empressé de dénoncer le trou secret laissé dans les finances publiques par le gouvernement précédent, un trou de 5,8 milliards selon eux. Or ce déficit de 5,8 milliard n'existe pas, il est totalement fictif, un grossier mensonge utilisé pour manipuler l'opinion publique. Le déficit prévu par le PQ avant les élections est, à quelques détails près, exactement le même que celui prévu par le PLQ lors de sa dernière mise à jour économique! L'économiste Gérald Fillion le rappelle en comparant l'ensemble des données; «Entre les projections du Parti québécois en février et celles du Parti libéral en ce moment, il y a quelques différences, mais elles ne sont pas énormes. Au final, le déficit prévu par le PQ en 2013-2014 est plus important de 300 millions de dollars, ce qui est une goutte d’eau dans un budget de 100 milliards».
Après les mensonges en campagne électorale, ceux sur le déficit réel du Québec et enfin, ceux sur la nécessité des politiques d'austérité (qu'il appelle rigueur budgétaire dans un spin médiatique pour utiliser des mots moins... austères dès qu'il réalise l'impopularité du terme "austérité"), il est difficile de croire que Philippe Couillard a lui-même le respect requis envers la fonction de chef d'état.
J'aurai moi-même plus de respect pour la fonction de chef d'État quand celui qui l'occupe en aura et cessera de me mentir en plein visage sans même tenter de cacher son mensonge.
Mon beau-frère a raison quand il dit qu'on doit avoir du respect pour la fonction de chef d'État, je trouve dommage que le Québec semble incapable de voter et se doter de politiciens qui soient dignes de cette fonction et qui ne la respectent pas eux-mêmes.
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Conclusion - Terre plate / Terre ronde.
L'immense somme de connaissances économiques sur les effets néfastes des politiques d'austérité, l'importance réelle et le rôle de la dette et des finances publiques - dont je n'ai fait qu'effleurer les points majeurs ici - devrait écraser totalement toute tentative de défendre les politiques actuelles du gouvernement, point.
Pour moi, c'est un peu comme si le gouvernement Couillard tentait de nous faire croire que la Terre est plate, immobile et au centre de l'univers et qu'il faut donc adopter des politiques de navigation maritime et spatiale en conséquence, alors que toute la science nous prouve qu'elle est ronde et qu'elle tourne plutôt autour du soleil *.
Or, la Terre est ronde, docteur Couillard... et elle tourne, oserais-je vous rappeler.
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(*) Cet élément de réflexion sur les scientifiques m'avait frappé en 2012 - en plein conflit étudiant - alors que je discutais justement avec un chimiste diplômé qui, malheureusement, semblait se refuser à appuyer ses opinions sur des faits et données solides, et se contentait alors de répéter les lieux communs et utiliser les raccourcis intellectuels issus de la propagande du gouvernement Charest. Une triste constatation en général, mais qui était particulièrement décourageante venant d'un scientifique.

Pourquoi je ne parlerai pas d'austérité avec les beaux-frères aux partys des fêtes (1)

Note: On devrait lire l'introduction de ce billet, qui trouve son origine il y a plus de deux ans.
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Un mot sur l'austérité.
Il existe des centaines (voire des milliers) d'articles sur le sujet de l'austérité (approche dérivée de l'idéologie politique néolibérale), et des centaines de livres, études et collectifs d'essais de vulgarisation scientifique, je n'ai donc pas la prétention de pouvoir couvrir ce vaste sujet dans un billet de blogue. Par contre, je peux attirer l'attention sur quelques éléments importants, et fournir un première série de pistes de lecture sur le sujet de l'austérité, d'où elle vient, de l'idéologie qui la défend, et de ses impacts sur les pays et les populations qu'elle touche.
Il est très facile de savoir ce qui se passe quand un État applique des politiques d'austérité. Oui, c'est facile, car le Québec est loin d'être le premier à le faire, la pratique existe un peu partout dans le monde, et a été largement utilisée et documentée depuis le début des années 1980. Il suffit donc de voir ce qu'ont données ces politiques pour comprendre ce qui se passera ici si on les applique.
L'austérité (ou rigueur budgétaire, ou ajustements structurels, selon les modes et époques) était une des conditions essentielles de l'aide accordée à des dizaines de pays par le Fonds Monétaire International pendant une période de 30 ans (1980-2010), période et pays sur lesquels il existe aujourd'hui de nombreuses études sur les impacts et résultats de ces politiques. En 2011, lors d'une période de réflexion politique et économique sur ce blogue, j'avais parlé d'un véritable «Laboratoire FMI» et je vous invite donc à lire/relire ce billet pour plus de détails. Plus particulièrement, j'attire votre attention sur la section "Observations sur le "laboratoire" FMI" ainsi que les notes en fin de billet. Plus important encore, lisez quelques-uns de la douzaine d'articles scientifiques que je cite en bibliographie à la fin du billet. ces lectures semblent un minimum pour qui veut comprendre réellement, au lieu de demeurer un ignorant avec des opinions toutes faites.
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Aujourd'hui, l'impact négatif et les effets néfastes de ces politiques sur l'économie et sur les sociétés qui les ont adoptées sont reconnues par tous les scientifiques, incluant les économistes du FMI eux-mêmes. Cette reconnaissance d'une erreur économique qui a duré plus de 30 ans devrait nous alerter de ne pas suivre cette voie, mais il semble que le gouvernement Couillard ne se documente pas et suive bêtement son idéologie. On pourrait croire qu'ils ne sont pas au courant à Québec de ce qui se passe ailleurs dans le monde, mais même Gérald Fillion sur on blogue de Radio-Canada en a parlé... en janvier 2013, soit plus d'un an et demi avant que le gouvernement Couillard n'adopte ces politiques.
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Les politiques d'austérité ont également été la réponse de l'Europe à la crise de 2008 (qui sur le vieux continent, n'est pas encore passée après 6 ans de marasme économique d'ailleurs - voir ce billet-ci où je traitais des raisons pourquoi cette crise nous a moins touchées au Canada et au Québec). Les économistes européens d'aujourd'hui reconnaissent que cette orientation a été catastrophique. Dans un article récent du journal Le Monde, un économiste titre même qu'à cause de ces politiques, l'Europe est au bord du gouffre.
Des exemples de ces effets néfastes?
- Une hausse marquée des suicides en Grèce;
- Une augmentation prononcée de la prostitution en Espagne;
- Un essor marqué du commerce de la drogue en Espagne, en Grèce et au Portugal;
- Un appauvrissement accéléré de toute l’Europe prise dans son ensemble.
Fait particulièrement intéressant, il existe deux contre-exemples issus de la crise de 2008: l'Islande et les États-Unis.
Du côté de l'Islande, plutôt que de sauver la peau des banques avec des fonds publics (donc d'endetter l'État et justifier ensuite des politiques d'austérité), on a poursuivi les fraudeurs (dont certains sont en prison), laissé faire faillite aux banques et spéculateurs et on a investis dans les programmes sociaux pour assurer que les citoyens-déposants ne seraient pas ruinés. Aux États-Unis, on a bel et bien sauvé les banques avec de l'argent public, mais plutôt que de s'attaquer au déficit et à la dette (pourtant faramineuse, voir la section ci-bas), le gouvernement Obama a dépensé et investis massivement en fonds publics pour relancer l'économie.
Dans les deux cas, les résultats sont à l'opposé de ce qui s'est passé dans les pays qui ont adoptés des politiques d'austérité. Dès 2012, le FMI considérait l'Islande comme détenteur de leçons pour les autres états, et plusieurs économistes de partout au monde allaient dans le même sens.
Pour les États-Unis, même si la croissance n'est pas énorme, il y a croissance, accompagnée d'une réduction substantielle du chômage, un état de fait envié par tous les pays d'Europe. Même l'économiste d'extreme-droite Daniel J. Mitchell, toujours opposé aux politiques d'Obama, le reconnaît lui-même: «Je ne suis pas un grand fan de la politique économique d’Obama. Je n’aime pas l’esprit de lutte des classes du Président en matière d’impôts. Je vois d’un mauvais œil ses relances keynésiennes. Et je n’aime pas ses politiques d’étatisation coûteuses telles que l’Obamacare. C’est pourquoi je me moque souvent de son étatisme compulsif. Ceci étant, je partage totalement son point de vue – quoiqu’avec quelques réserves – selon lequel les États-Unis font globalement bien mieux que les autres pays».
Si on veut se documenter sur une étude des effets réels de politiques d'austérité sur la santé des populations, on peut lire The Body Economic: Why Austerity Kills. Au sujet de ce livre, Josée Blanchette rapportait récemment que «Selon les auteurs David Struckler et Sanjay Basu, deux chercheurs en santé publique, l’un à Oxford, en Angleterre, l’autre à Stanford, en Californie, l’austérité augmenterait l’alcoolisme, le nombre d’épidémies, de dépressions, de suicides».
Récemment, une étude démontre même un lien entre les politiques d'austérité imposées aux pays d'Afrique par le FMI, la destruction de leur système de santé publique et l'incapacité de ces systèmes à pouvoir faire face à la récente épidémie d'Ébola. Rappelons que cette épidémie a déjà fait plus de 7500 morts. Cet exemple illustre bien que parfois, les effets néfastes de ces politiques n'apparaissent qu'à long terme dans une société.
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Un mot sur la dette du Québec.
L'argument principal pour instaurer les mesures d'austérité, c'est l'importance de la dette du Québec. On est endetté, il faut laisser moins de dettes à «nos enfants/les générations futures», on est presque comme la Grèce, etc.
Il y a trois choses à dire sur la dette (sur toute dette, en fait, même de l'hypothèque sur votre maison). La première, c'est qu'il n'est pas très grave d'avoir une dette quand on a des actifs, bref, d'emprunter pour investir comme le font tous les gens d'affaires et entrepreneurs. La dette totale est un chiffre qui ne veut rien dire si on ne tient pas compte des actifs (comme la valeur d'Hydro-Québec, par exemple, pour ne nommer que le plus évident que d'autres provinces/états n'ont pas).
La seconde, c'est que peu importe la dette, c'est le niveau d'endettement sur votre capacité de payer qui compte, pour voir si vous êtes dans le trouble ou non. Pour les états, on utilise souvent l'indice de la dette sur le PIB pour mesurer et comparer les dettes des pays et états.
Selon le dernier rapport de l'OCDE sur la question (graphique tiré de l'étude "L'État de la dette du Québec 2014"), le Québec (avec ou sans sa portion de dette fédérale) est en meilleure posture à ce niveau que les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon, les Pays-Bas ou la moyenne des pays de l'OCDE. Il faut aller du côté du Danemark, la Suisse ou la Norvège (par exemple) pour trouver des états mieux placés que le Québec en ce qui concerne leur niveau d'endettement par rapport à leur capacité de payer (À ce sujet, la dette sur PIB des États-Unis est le double de celle du Québec).



La troisième chose à dire sur la dette du Québec - et c'est ici qu'est illustrée l'importance de la différence entre un État, une entreprise et un individu - c'est que la dette du Québec, émise sous forme d'obligation d'épargne du Québec, est détenue à titre de placements par divers investisseurs, qui font un revenu d'intérêt intéressant sur un placement sans grand risque. Or dans le cas du Québec, on estime que la dette est contrôlée à 29% par le Gouvernement du Québec lui-même ou ses organismes apparentés (comme la Caisse de dépôt et de placement par exemple). On estime en outre à 56% la dette détenue par des intérêts québécois ou canadiens. Autrement dit, non seulement cette dette est entre bonne main, mais elle assure un certain rendement sur les régimes de retraite et autres outils qui sont utiles à maintenir l'économie du Québec. En effet, on estime à seulement 15% la dette probablement détenue hors-Canada (Sources en page 18 du fichier de l'étude en PDF).
En fait, si on veut aller plus loin, on peut lire cet article du professeur de l'UQAM et directeur de recherche Éric Pineault qui souligne que cette saine détention de notre dette ne devrait pas nous pousser à vouloir la rembourser, au contraire!
«Rembourser la dette signifie assoiffer nos régimes de retraite, priver les individus et collectivités de la chance de détenir une partie de leurs épargnes sous la forme d'un investissement dans notre richesse collective. Nous validons le service de la dette [Note de l'EV: les intérêts sur la dette] de la même manière que nous validons les autres dépenses publiques, par le biais de la capture de revenus par l'impôt et les taxes, lesquelles croissent à la même vitesse que l'économie. Donc, finalement, tant que l'économie croit plus rapidement que la dette et le service de la dette, il n'y aucune raison de paniquer. Il ne faut surtout pas rembourser la dette; mieux vaut la refinancer, et ce, pour toujours.»
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Pour comprendre l'enjeu de la dette et cesser de rapporter les inepties qu'on entend souvent de la bouche d'élus ou de commentateurs de droite, lire cette étude de l'IRIS sur les pièges courants et les raccourcis intellectuels à éviter quand on parle de la dette. Vous allez rapidement comprendre que le gouvernement actuel utilise le montant de la dette du Québec pour vous faire peur, sans jamais la mettre en contexte. C'est le proverbial chien qu'on veut tuer et qu'on accuse donc (faussement) d'abord d'avoir la rage.
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Un mot sur les finances publiques.
Afin de justifier les politiques d'austérité, on mentionne également l'état des finances publiques. Si on veut réduire la dette, il faudrait la rembourser, donc faire des surplus, alors qu'actuellement, on réalise des déficits. Il faut donc revenir à l'équilibre budgétaire, au minimum, et au plus vite peu importe les conséquences.
Et la méthode préconisée est évidemment la réduction des dépenses.
Il existe deux volets à tous budgets: les dépenses, certes, mais aussi les revenus. Or le gouvernement Libéral des 12 dernières années (Charest comme Couillard) s'est volontairement privé et se prive encore volontairement de revenus importants.
Rappelons qu'avant l'ère Charest, le Québec faisait des surplus, mais que le gouvernement Charest a éliminé ces surplus et créé un déficit par manque de vision et par soucis électoraliste en réduisant les impôts sans aucun plan d'avenir, privant l'état de revenus importants.
De même, on peut citer la disparition de la taxe sur le capital des banques et grandes entreprises, qui rapportait à l'état québécois 600 millions de $ chaque année. L'économiste Jacques Parizeau rappelle d'ailleurs que « pour les banques, ça ne crée pas une job. Tout ce que ça fait, c’est transférer de l’argent des contribuables aux actionnaires ».
Doit-on rappeler que les banques canadiennes à elles-seules ont réalisées un profit net après impôts de plus de 30 milliards de dollars en 2014? On s'explique mal en quoi ces entreprises parmi les plus profitables au monde avaient besoin de ce cadeau fiscal de la part du Québec si les finances publiques sont dans un aussi mauvais état. Surtout que celles-ci ne crées pas de nouveaux emplois ou investissements avec ces profits, mais les redistribuent simplement à leurs actionnaires. Un exemple parmi les autres, la Scotia qui coupe 1500 postes malgré des profits en hausse de 14%.
Le même raisonnement s'applique aux redevances minières, à l'absence de redevances sur le pétrole qui circule sur nos voies ferrées ou dans nos sols via pipeline et à bien d'autres revenus que l'état refuse de recevoir par idéologie et copinage avec la grande entreprise.
Et on ne parle même pas d'évasion fiscale, un dossier qui ne peut se régler que par des lois fiscales mieux adaptées au monde d'aujourd'hui, donc qui ne peut que se régler par une volonté du gouvernement de le régler. Doit-on s'étonner que le gouvernement Couillard ne parle jamais de ça? Évidemment pas, puisque le Premier Ministre lui-même a utilisé le stratagème pour éviter de payer de l'impôt au Québec.
C'est non seulement le même chien qu'on accuse d'avoir la rage, mais on oublie de mentionner qu'on évite à tout prix de le faire vacciner.
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Enfin, si on admettait qu'il faille absolument couper dans les dépenses de l'état, alors on s'attendrait à ce que ce genre d'exercice soit fait avec honnêteté et que les décisions soient basées sur des études afin de minimiser les impacts néfastes de ces coupes. Or d'une part, on coupe à plusieurs endroits touchant directement le niveau de vie de dizaines de milliers de québécois de la classe moyenne mais on évite de couper chez les très hauts fonctionnaires, les députés ou encore dans les contrats confiés à des consultants privés amis du parti au pouvoir.
On ne coupe pas non plus dans les généreux incitatifs offerts gracieusement aux grandes entreprises (voir le point 2 de ce billet-ci), même si parfois, celles-ci profitent en plus de créativité fiscale pour éviter de payer des impôts ici.
Le dossier des retraites est un bon exemple; alors que l'on force par une loi un changement de financement dans les retraites des employés du système public, on ne touche pas le régime le plus généreux qui existe au Québec, celui des députés eux-mêmes. On repassera pour l'honnêteté du procédé et la justice de l'opération.
L'automne 2014 regorge d'exemples - par centaines - de coupes improvisées et de gaspillage éhonté qui seraient facilement évitées si l'exécutif du gouvernement lui-même se gérait en montrant l'exemple. On dit ne pas avoir le choix de couper les dépenses, mais on engage en double tout un tas de hauts fonctionnaires pour des raisons d'appartenance politique et d'experts du privé qui touchent pourtant déjà de généreuses prestations de l'état (voir par exemple les salaires de quatre employés de la commission de révision des programmes, mandatés pour aller gruger ce qui nous manque, mais payés à eux-seuls plus d'un million de dollars). Et c'est sans parler de la prime de plus de 200 000$ du bon docteur Bolduc, ni de celle de plus d'un million de dollars au départ du bon docteur Barrette (on me dira que cette dernière a été payée à même les cotisation des médecins spécialistes, mais c'est oublier que ces cotisations sont déductibles d'impôts, et donc, ont fait économiser aux médecins spécialistes 50% de ces sommes sur le dos de l'État québécois). Un dernier exemple tiré des jours précédant la publication de ce billet: on apprend la coupe 160 000$ dans un programme alloué aux études québécoises à l'étranger (un programme qui permet de faire briller le Québec et engendre des retombées importantes à moyen et long terme) mais on permet à un simple député nouvellement élu de s'aménager de jolis bureaux au coût de 228 000$. Ce montant est quasi indécent, dépassant le coût moyen d'une maison au Québec, mais le député persiste et signe en mentionnant qu'il a même fait baisser la facture!
Autre exemple frappant: le dossier de la politique sur les médicaments, où des économies potentielles de 3,3 milliards ne sont même pas étudiées par le gouvernement, malgré des appels de certains députés d'opposition à le faire.
Enfin, cerise sur le sundae de la mauvaise gestion des finances publiques, on vient de remarquer que le retour des Libéraux au pouvoir s'est accompagné du retour des extras coûteux sur les contrats publics en construction...
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Après ces constatations sur l'impact de mesures d'austérité, du faux débat sur la dette et des mauvaises approches pour assainir les finances publiques, on est en mesure de questionner la compétence du gouvernement Couillard et de se demander pourquoi il a pris cette direction.
Ces questions seront brièvement abordées dans la seconde partie de ce billet.
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Pourquoi je ne parlerai pas d'austérité avec les beaux-frères aux partys des fêtes - Justification

Permettez-moi un retour en arrière, le temps d'une introduction à un billet, qui sera ensuite présenté en deux parties (Partie 1 ici et partie 2 ici).
L'affaire se passe en 2012, en plein conflit étudiant. J'assiste alors à un party de famille, pour la fête de ma filleule je crois, à qui j'ai offert des cadeaux dont le chou est remplacé par un carré rouge. Je sais que la règle d'or au Québec est de ne pas parler politique en famille, mais je ne planifie pas d'en parler, justement, mais je ne peux nier ce que je suis, et ce pour quoi je me bât dans mes écrits comme quand je marche dans la rue avec les étudiants et autres citoyens qui refusent le projet de société néolibéral du gouvernement Charest. Nous avons donc (un peu) discuté, mes parents, mes soeurs, mes beaux-frères, ma conjointe et moi, de politique québécoise. Je ne reviendrai pas sur les détails de la discussion ici, ce ne sont pas ces détails qui sont importants, ni les opinions des uns et des autres, mais je citerai les trois éléments qui forment le point de départ d'un billet promis depuis deux ans à un de mes beaux-frères.
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Le premier de ces éléments, c'est l'incapacité de mes proches de prendre ma conjointe ou moi au sérieux - je veux dire professionnellement - quand nous abordons les questions de politiques publiques. Pourtant, ma conjointe est diplômée en Études internationales (option sciences politiques) en plus de l'être en administration. Elle a également fait une partie de ses études internationales en Angleterre. Pour ma part, je suis comptable professionnel de formation, diplômé HEC, avec un tronc commun qui incluait l'économie et je me suis, au fil des ans, spécialisé en fiscalité, donc sur certains effets et sur les applications des politiques publiques sur les individus et entreprises.
Ce qui m'étonne encore quand je repense à cette discussion, c'est la non reconnaissance d'une certaine expertise (ou au moins d'une meilleure connaissance du sujet) par mes proches. Pourtant, quand on parle de génie chimique, d'informatique en réseau, de finance agricole, d'enseignement ou de physique mécanique, personne n'irait contester l'expertise de mes proches dans leur domaine respectif, ou ne pas reconnaître au minimum qu'ils savent un peu (plus que les autres) de quoi ils parlent. On parle pourtant de gens éduqués - majoritairement des diplômés universitaires d'ailleurs - et de plusieurs scientifiques. Évidemment, personne n'agit ainsi par mauvaise foi, c'est juste l'habitude issue de certaines couvertures médiatiques des politiques publiques, qui favorise souvent les raccourcis intellectuels, qui est en cause et fait croire à tous que les solutions sont simples. L'idée que l'État se gère comme un budget familial, ou qu'il se gère comme une entreprise privée relève de ce genre de lieu commun réducteur qui est devenu accepté par tous à force d'être répété comme un mantra.
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Le second élément concerne un beau-frère en particulier, qui avait eu l'opportunité (par hasard) de croiser des ministres du gouvernement, dont Raymond Bachand, qui défendait à l'époque la hausse des frais de scolarité comme une "révolution culturelle" au Québec (révolution qui se poursuit aujourd'hui sous l'actuel gouvernement Couillard). J'avais soulevé un sourcil et mentionné que je ne sais pas si j'aurai été jusqu'à serrer la main du Ministre des Finances, puisqu'il était intellectuellement malhonnête dans le dossier des frais de scolarité, et que même si moi, j'étais contre cette hausse, j'aurais aimé qu'il y ait réel débat de société sur la question - un débat honnête - alors que le gouvernement se contentait de diaboliser ceux qui souhaitaient ce débat au lieu d'expliquer leur position et de la défendre honnêtement.
Mon beau-frère nous a expliqué qu'il ne partageait pas nécessairement les opinions du ministre (ni du gouvernement), mais qu'il respectait la fonction. C'est un argument fort louable, mais je n'ai pas pu m'empêcher alors de mentionner que je ne pourrais serrer la main de Jean Charest ou Stephen Harper, tellement ils étaient eux-mêmes cyniques et n'avaient plus de respect pour cette fonction et pour le système parlementaire en général. La discussion qui a suivi a été particulièrement animée, puisque je passais alors pour celui qui n'avait pas de respects pour la fonction et les élus, alors que je dénonçais au contraire que c'était les gens en poste et non moi, qui étaient cyniques et favorisaient le développement du cynisme et du désengagement politique.
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Enfin, le troisième élément est apparu vers la fin de cette discussion politique, alors que je tentais de faire valoir les dizaines (plusieurs dizaines en fait) de textes scientifiques qui existent pour démontrer que les politiques néolibérales sont néfastes, partout où elles ont été appliquées dans le monde. Mon beau-frère m'a invité à lui transmettre ce genre d'articles ou de livres, de lui suggérer des lectures sur le sujet. Après quelques années à lire sur le sujet, je me suis promis de le faire, mais j'ai rapidement réalisé l'ampleur d'une telle tâche et l'étendue qu'aurait ma liste. Je me suis aussi dit que mon beau-frère avait peut-être un peu de temps libre pour lire quelques trucs, mais il ne s'embarquerait certainement pas dans la lecture de 9-10 briques de collectifs ou les centaines d'articles scientifiques de 20-30 pages chaque, souvent en anglais en plus, que je pourrais colliger. J'ai donc laissé tombé et n'ai plus reparlé politique pendant les partys de famille.
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Rassurez-vous, je ne ferai pas cet exercice ici, mais depuis 2012, il s'est écoulé de l'eau sous les ponts (même si ceux-ci menacent parfois de s'écrouler), et nous sommes en période de partys des fêtes en famille, et le mot qui est sur toutes les lèvres semble être «Austérité». je vais donc articuler ce billet en deux parties sur l'austérité autour de cette discussion et dans le but avoué d'informer mon beau-frère - et tous ceux qui ont la curiosité de d'informer proprement à coeur.
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Dans cet esprit, j'invite donc celui-ci (et vous chers lecteurs) à commencer par lire ce micro-guide de survie au partys de famille si jamais ils parlent d'austérité.
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Puis, de passer aux deux parties principales de ce énième billet socio-politique sur ce blogue.
Joyeuses Fêtes,
L'Esprit Vagabond.
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