samedi 21 février 2015

Mes prédictions pour les Oscars

Après la publication de mes choix personnels pour les Oscars, voici maintenant le jeu, plus difficile, des prédictions. Nonobstant donc mes choix personnels, voici ceux que je pense que l'Académie fera. (Ces prédictions sont basées sur l'expérience des oscars, les autres prix remportés par les nominés, et l'historique des Oscars eux-mêmes).
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Meilleur acteur: Eddie Redmayne, The Theory of Everything. Même si Michael Keaton a des chances, et certains prédisent une surprise causée par Cooper à cause de l'intérêt public et journalistique/politique de American Sniper (je ferme ma télé si ça se produit, mais je ne m'inquiète pas, il n'était même pas nommé aux SAG), je demeure convaincu que Redmayne, gagnant du Screen Actors Guild cette année est la prédiction claire. Historiquement, une bonne interprétation d'un personnage aux prises avec un handicap physique est toujours garant d'une bonne réception par l'académie. Même s'il ne s'agit pas des meilleurs indicateurs, Redmayne a aussi remporté le Golden Globe et le BAFTA en plus d'une série de plus petits prix ou festivals. Une prédiction assez solide, donc, d'après moi.

Meilleure actrice: Juliane Moore, Still Alice. Aussi un rôle de personnage aux prises avec un handicap, ici pas au sens premier, mais tout de même, un personnage aux prises avec la maladie d'Alzeimer qui a des impact physiques dégénérescents. Elle aussi a remporté le Screen Actors Guild Award et en est à sa cinquième nomination aux Oscars, sans jamais avoir été récompensé. Tout ceci est une belle recette pour qu'elle l'emporte cette année (elle a aussi gagné le Golgen Globe et le BAFTA). En plus, Marion Cotillard et Reese Witherspon ont déjà remporté un Oscar. Felicity Jones et Rosamund Pike en sont à une première nomination (et n'ont remporté aucun autre prix cette année). Une prédiction très solide en faveur de Julianne Moore, donc.

Meilleur acteur - rôle de soutien: J.K. Simmons, Whiplash. Ici, ma prédiction rejoint mon choix personnel. Même s'il en est à sa première nomination aux Oscars, Simmons a littéralement remporté tous les prix d'interprétation grâce à ce rôle exceptionnel (incluant la SAG, mon indicateur de prédilection aux Oscars pour les catégories d'acteurs). Tous les autres pourraient toutefois causer une surprise. Edward Norton, avec sa 3e nomination (mais il n'a jamais obtenu d'Oscar) joue dans un film aux très nombreuses nominations et Robert Duvall a une longue et magnifique carrière derrière lui, mais il a déjà gagné l'Oscar, même s'il y a plus de 25 ans. Ethan Hawke accomplit une sorte d'exploit, dans un film parmi les grands favoris, et il en est à sa 4e nomination sans avoir remporté d'Oscar, et Mark Ruffalo en est à sa seconde nomination en 6 ans, toujours sans statuette lui aussi. La forte impression ressentie lors du visionnement de Whiplash, couplée aux prix remportés par Simmons et par le fait qu'à part Duvall (le seul déjà oscarisé de la catégorie cette année), les autres sont tous plus jeunes que Simmons, tendent à confirmer que cette prédiction demeure assez solide malgré la compétition serrée.

Meilleur actrice - rôle de soutien: Patricia Arquette, Boyhood. Il n'est pas dit que Boyhood repartira les mains vides, même si Ethan Hawke verra l'oscar lui échapper, l'Académie reconnaîtra la difficulté de jouer dans ce film pour un acteur adulte via la performance d'Arquette. Une première nomination, mais elle a remporté les prix majeurs jusqu'ici (incluant la SAG). La catégorie est moins serrée que sa contrepartie masculine cette année. Streep a remporté plusieurs Oscars et Kiera Knightley (seconde nomination) est encore jeune et son rôle était beaucoup moins impressionnant. Laura Dern dans Wild (tout comme Reese Witherspoon dans sa catégorie) montre à quel point Jean-Marc Vallée est apprécié à titre de directeur d'acteurs, mais comme il a eu son moment de gloire à ce titre l'an dernier (ses acteurs l'avaient tous deux emporté), les chances de Dern sont plus faibles. Reste Emma Stone, qui pourrait causer une surprise, mais sa jeunesse et l'absence d'autres prix jouent contre un tel scénario et dans son cas, c'est une première nomination, l'Académie se dira qu'elle a encore bien du temps devant elle. Patricia Arquette semble donc une prédiction plutôt certaine ici.

Meilleur scénario (adapté): The Imitation Game. La catégorie la plus difficile à prédire d'après moi cette année. Votre prédiction sera certainement aussi bonne que la mienne, sauf peut-être Inherent Vice dont c'est la seule nomination. Je ne pourrais pas croire que American Sniper gagnera (ça porterait à mes yeux un sérieux coup à la crédibilité des Oscars, vu la prévisibilité et les clichés du scénario comme des dialogues). Reste donc The Imitation Game, The Theory of Everything et Whiplash. D'un côté, The Imitation Game est le seul parmi les trois à avoir reçu une nomination aux Writers Guild (et celui qui a remporté le prix)... mais les scénaristes sont loin d'être majoritaires à voter à l'Académie. Whiplash pourrait donc causer une agréable surprise ici, vu l'aspect moins conventionnel de son scénario, mais, c'est The Theory of Everything qui a remporté le BAFTA, alors c'est un peu un hasard que de tenter de prévoir le vote de l'Académie.

Meilleur scénario (original): The Grand Budapest Hotel. Même prédiction que mon choix. Je rejoins ici aussi le gagnant du BAFTA, du Writers Guild Award et des Golden Globe. L'Académie ne laissera pas repartir les mains vides un film avec autant de nominations (9). Le reste du vote se divisera probablement entre Birdman et Boyhood, les deux autres grands favoris des Oscars cette année. Nightcrawler a un scénario vraiment intelligent, mais le film a été un peu boudé par l'Académie (c'est sa seule nomination, Jake Gyllenhaal méritait une nomination comme meilleur acteur) et Foxcatcher, malgré un cocktail de nominations, n'est pas nominé comme meilleur film, un mauvais signe règle générale. Cette prédiction demeure donc relativement sure, même si elle n'est pas aussi solide que certaines autres.

Meilleure réalisation: Alejandro Gonzalez Inaritu, Birdman. La grande question ici: que décidera de reconnaître l'Académie? Le tour de force de Linklater pour Boyhood, ou l'inventivité de Inaritu pour Birdman? Très difficile de trancher entre les deux. Toutefois, même si on aurait pu croire que l'oscar irait à Linklater, Inaritu a remporté le Directors Guild Award, un indice assez solide pour prédire l'Oscar dans cette catégorie par le passé. Les autres ne sont tout simplement pas dans la course, donc la difficulté de la prédiction ici est de faire le choix entre les deux principaux prétendants au titre. Linklater en est tout de même à sa 3e nomination sans Oscar (Inaritu sa seconde, sans Oscar lui non plus) et Linklater a remporté le Golden Globe, mais je préfère le WGA comme indicateur plus solide de prédiction, vu le nombre de membres de l'Académie qui y votent également. Bref, une prédiction, mais qui pourrait aller aussi bien d'un côté que de l'autre, le choix de Inaritu n'étant qu'à peine mieux supporté par les signes précurseurs aux Oscars.

Meilleur film: Birdman. Cette catégorie demeure un mystère pour qui veut jouer aux prédictions, mais je penche pour Birdman. Ici aussi, comme dans la catégorie précédente, la lutte se fait essentiellement entre Birdman et Boyhood, les deux films les plus originaux de l'année. En vrac, les faiblesses des autres nominés: The Grand Budapest Hotel n'a pas de nomination côté acteurs, Selma n'a aucune autre nomination, The Theory of Everything, The Imitation Game et Whiplash seront récompensés dans des catégories individuelles, American Sniper n'aurait jamais dû se retrouver en nomination. Comme aucun des deux principaux concurrents ne remportera le scénario (d'après moi) ni aucun des acteurs (sauf Patricia Arquette), bien difficile de croire qu'un des deux films fera donc une vague vers l'Oscar du meilleur film. Je crois que l'Académie remettra l'Oscar à celui qui aura remporté l'Oscar du meilleur réalisateur. Par le passé, c'était un indicateur assez fiable en cas de course serrée, mais depuis Argo (Oscar du meilleur film sans nomination pour son réalisateur, une première en plusieurs décennies), l'affaire n'est pas aussi claire. Il se pourrait bien que plusieurs votant récompensent le réalisateur d'une part et le film de l'autre, créant alors une situation où une de mes deux prédiction tombe automatiquement alors que l'autre s'avère exacte par la même occasion. Si jamais l'Académie choit plutôt Boyhood pour les deux catégories, alors je perd deux prédictions, mais elles sont tout de même basées sur un ensemble de facteurs (nombre de nominations, prix remportés cette année auprès des guildes), qui favorisent légèrement Birdman.
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Voilà donc mes prédictions. Solides certitudes du côté des acteurs et actrices, et assez solide pour le scénario original, mais dans les trois autres cas, malgré mes efforts de prédiction, je pourrais bien être à côté des raisonnements et préférences de l'Académie, même si mes réflexions sont basées sur l'expérience de ce genre de choses. Dernière prédiction: je ne raterai pas plus de deux catégories sur les trois qui me paraissent plus incertaines, sinon, je serai fort surpris. Enfin, comme mes choix diffèrent de mes prédictions dans la moitié des catégories, je ne serai pas déçu s'ils ne l'emportent pas au profit de mes prédictions (ou si mes prédictions d'avèrent ratées au profit de mes choix personnels).

Et de votre côté, quelles sont vos prédictions? Où divergeons nous d'opinion? Quels arguments sous-tendent vos prédictions?
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Mes choix pour les Oscars

C'est un peu devenu une tradition, donc malgré mon silence sur ce blogue depuis quelques mois, voici donc mes choix personnels pour les Oscars de 2015 (films de 2014), en rappelant aux nouveaux lecteurs qu'il ne s'agit pas de prédictions - je devrais publier mes prédictions dans un billet à part avant la cérémonie.
Je ne retiens que les huit catégories majeures puisque d'une part, je n'ai pas vu tous les films dans les catégories spécifiques comme films étrangers, documentaires ou courts métrages et que d'autre part, je n'ai pas la prétention d'avoir la compétence de juger les meilleurs au niveau technique pointus comme le montage son, les costumes ou le design de production, où je ne demeure qu'un amateur.
Quand on parle de scénario, de réalisation et de performance d'acteurs, par contre, j'ai la prétention, comme auteur et comme cinéphile averti depuis quelques décennies, de savoir un peu plus de quoi je parle.
Voici donc mes choix personnels pour les Oscars cette année - choix qui sont évidemment limités par les mises en nomination (avec lesquels je ne suis pas nécessairement d'accord, mais je joue le jeu officiel).
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Meilleur acteur: Michael Keaton, dans Birdman. Je n'ai pas vu la performance de Steve Carrel dans Foxcatcher, qui est sorti des salles avant que je ne l'y attrape, et n'est pas encore disponible à la location avant la cérémonie des Oscars. Mon choix porte donc sur les 4 autres nominés. Même si j'ai beaucoup apprécié la performance de Eddie Redmayne en Stephen Hawkins et que je saisis la difficulté d'interpréter un personnage complexe aux prises avec ces limitations physiques, j'ai plus apprécié encore la difficulté de faire passer les idées, émotions et sentiment de personnages moins physiques comme ceux interprétés par Keaton dans Birdman et Benedict Comberbatch dans The Imitation Game. Mon hésitation était donc essentiellement entre ces deux acteurs que j'ai trouvé absolument fabuleux dans leurs rôles respectifs. J'ai rejeté immédiatement Bradley Cooper (un acteur que j'aime pourtant beaucoup) car bien qu'il ait su offrir une performance correcte dans un mauvais film (American Sniper), on est très loin des performances qui méritent normalement une nomination, encore moins un Oscar. Si mon choix s'est finalement porté sur Michael Keaton, c'est parce que je ne vois vraiment pas comment un personnage aussi complexe aurait pu être porté par un autre acteur avec autant de subtilité et d'abnégation, des qualités que l'on observe plutôt rarement au cinéma dans un état aussi brut. On voit souvent des acteurs enlaidis ou dépouillés pour des rôles, mais plus souvent qu'autrement, on ressent quand même l'aspect artificiel de ce dépouillement, alors qu'ici, Keaton semble complètement effacé au profit de son personnage. Comme celui-ci est un acteur en recherche d'authenticité, la symbolique de sa présence dans ce rôle, jumelée à cette abnégation devient transcendante et mérite donc un Oscar.

Meilleure actrice: Felicity Jones, dans The Theory of Everything. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de voir tous les films, donc n'ai pas vu Marion Cotillard dans Deux jours une nuit. Le choix de Julianne Moore paraîtra plus évident à l'Académie, avec les difficultés inhérentes à jouer une personne aux prises avec la maladie d'Alzeimer - et de jouer l'évolution de cette maladie. Mais une fois de plus, comme pour mon choix du meilleur acteur, j'ai préféré la difficulté de jouer des sentiments - et l'évolution de ces sentiments - plus intériorisés et difficiles à rendre à l'écran qu'offre Felicity Jones dans un rôle subtil qu'elle rend avec une intensité qui n'en fait jamais trop. Les deux autres nominations portent sur des interprétations plus physiques. C'est une évidence pour Reese Witherspoon dans Wild, où il y a justement ce genre de dépouillement volontaire que j'évoquais ci-haut. C'est aussi le cas, de mon point de vue, pour le rôle de femme douce et parfaite mais peut-être psychopathe de Gone Girl interprétée par Rosamund Pike. Dans ce dernier cas, les trous et incohérences dans le scénario nuisent à mon appréciation du personnage lui-même, dont je n'arrive pas à croire totalement; ceci m'empêche donc de voir l'interprétation de ce personnage comme un exercice méritoire d'un Oscar. Mon choix se porte donc sur Felicity Jones, qui joue avec brio la jeune fille amoureuse, la femme aimante et dévouée, celle usée par les efforts et les difficultés de la vie, le tout sans mélo ni cliché, et dont l'amour s'étiole au fil des ans et face aux difficultés, mais qui souffre également de la perte de ce sentiment que des épreuves auxquelles doit faire face son couple inhabituel. C'est d'ailleurs la première des nominations que j'ai vu, et aucune de autres n'est parvenue à influencer ce choix personnel.

Meilleur acteur - rôle de soutien: J.K. Simmons, dans Whiplash. Je souffre encore une fois de ne pas avoir tout vu dans cette catégorie, puisque l'un des nominés est issu de Foxcatcher comme Carrel dans la catégorie du meilleur acteur. Parmi les quatre autres, le choix s'est avéré particulièrement difficile. J'ai adoré le jeu d'Edward Norton dans Birdman, qui travaille sur plusieurs niveaux - un acteur jouant un acteur mais aussi le personnage que ce dernier joue dans une pièce et les relations qu'il entretient avec la troupe et l'impact de sa personnalité sur la pièce et le jeu des autres. D'un autre côté, j'ai trouvé fascinante de naturelle l'interprétation de Ethan Hawke dans Boyhood. Ce film unique suit ses personnages sur une douzaine d'années, mais avec les mêmes acteurs dans un tournage qui a duré douze ans, donc sans changements ou maquillages majeurs pour simuler le passage du temps. L'effet du film avec les personnages de jeunes enfants est incroyable, mais fait oublier la difficulté pour des acteurs adultes de revenir au fil des ans à leurs personnages, d'en retrouver l'essence et de les faire évoluer, tout en conservant leur jeu pour que ces personnages apparaissent cohérents et crédibles au cinéphile qui voit l'ensemble de ces douze ans sur un visionnement de quelques heures. Un véritable tour de force d'acteur, que Hawke accomplit avec ce qui semble une facilité naturelle qui force l'admiration. C'était le bon acteur pour cet exercice, remarquez, lui qui avait effectué des retours sur personnages similaires dans le triptyque des Before avec Julie Delpy. Enfin, si j'ai choisi Simmons dans Whiplash, c'est en partie parce que le film m'a jeté par terre tellement l'ensemble est fort, énergique, étonnant, et que cet effet doit énormément à l'interprétation d'un personnage de mentor qui devrait être particulièrement antipathique, mais que l'on n'arrive pas plus que le personnage de son élève à détester réellement et profondément. La profondeur du personnage - malgré les apparences initiales - est également rendu avec brio par Simmons, qui porte ce film vers un niveau qu'il n'aurait pas atteint autrement.

Meilleur actrice - rôle de soutien: Emma Stone, dans Birdman. C'est l'année où par hasard, je n'aurai vu le total des performances dans aucune des catégorie d'acteurs. Ici, c'est Meryl Streep qui m'a échappé. Pour moi, cette catégorie a été beaucoup plus facile que les autres, puisque bien que j'aie apprécié les performance de Keira Knightley dans The Imitation Game, j'ai tout de même été surpris qu'elles soit en nomination. Mon choix a donc été une hésitation entre Patricia Arquette dans Boyhood - pour les mêmes raisons évoquées dans ma réflexion sur la performance de Ethan Hawke ci-haut - et Emma Stone dans Birdman. Si mon choix personnel s'est posé sur Emma Stone, c'est essentiellement parce qu'elle y est étonnante dans un rôle qui somme toute, aurait pu être mineur dans le film, mais qui prend toute sa place grâce à ses yeux immense, sa retenue, l'excentricité et la truculence qu'elle apporte à un personnage qui aurait pu autrement ne servir que de faire-valoir aux deux rôles masculins défendus par Keaton et Norton. C'est aussi le genre de performance qui semble se nourrir de celle de ces confrères, et ce genre d'énergie est loin de se produire aussi souvent que l'on pense.

Meilleur scénario (adaptation): Whiplash. Il est toujours difficile de juger de scénarios adaptés dont on n'a pas lu le matériau d'origine, mais cette année, tous les films en nomination sont sur un pied d'égalité en ce qui me concerne, puisque je ne connaissais aucun des livres (ou courts) dont ils sont tirés. Je ne peux donc juger de la qualité d'adaptation elle-même, mais je peux néanmoins juger de la qualité du scénario. Comme je n'ai pas encore vu Inherent Vice, mon choix doit donc porter sur les quatre autres. J'élimine facilement American Sniper, dont je ne comprends même pas la nomination; un scénario prévisible rempli de clichés, aveuglément patriotique, manichéen, aux dialogues simplistes et risibles. Reste donc tout de même trois bons films parmi lesquels deux sont tout de même des scénarios plus conventionnels explorant tous deux - par hasard - la vie et les activités professionnels de génies scientifiques. J'ai préféré The Imitation Game à The Theory of Everything, ce dernier adoptant plus clairement la structure narrative d'un film biographique-romantique dont je ne remets pas en cause l'excellence, mais qui est par ce choix-même, un peu moins original côté scénario ou dialogues. Il faut dire que l'aspect polar historique de The Imitation Game n'avait rien pour nuire à mon appréciation du film ou de son intrigue passionnante. Si au final, je leur ai préféré Whiplash, c'est parce qu'il faut un scénario particulièrement fort pour rendre cette histoire somme toute assez simple de mentor qui va (peut-être) trop loin pour pousser ses élèves vers l'excellence. Mais c'est surtout pour la qualité incisive de ses dialogues, coupés au couteau et dont chaque réplique semble frapper droit au but, une qualité qu'on ne retrouve pas systématiquement aux Oscars.

Meilleur scénario (original): The Grand Budapest Hotel. Un choix très personnel ici dans une catégorie extrêmement forte cette année, avec des scénarios aussi brillants que Birdman (qui jumèle avec brio des dialogues d'une précision chirurgicale à une réflexion sur l'incursion du cinéma au théâtre) ou encore Nightcrawler qui juxtapose un polar particulièrement efficace à une réflexion sur le rôle des médias dans notre société. Tel que mentionné plus haut, je n'ai pas vu Foxcatcher et l'exploit de Boyhood, aussi bien scénarisé soit-il, repose plus sur son concept (tournage sur douze ans avec acteurs qui vieillissent pour de vrai) que sur l'histoire qu'il raconte, même si cette évolution du personnage principal est bien écrite et bien rendue. Si mon choix porte donc sur The Grand Budapest Hotel, c'est qu'en plus de raconter une histoire aussi drôle et intéressante qu'imprévisible et tarabiscotée, c'est définitivement le scénario et les dialogues les plus originaux (au sens premier du terme) de cette cuvée. J'inclus aussi dans ce scénario la manière de raconter cette histoire particulièrement tordue (les tiroirs d'ellipses et de flashbacks par exemple) et la réflexion qui accompagne l'histoire principale concernant les traditions et les impacts politiques sur les vies individuelles.

Meilleur réalisation: Alejandro Gonzalez Inaritu, Birdman. après tout ce que j'ai écrit de bien sur Boyhood et son concept unique, sur The Grand Budapest Hotel et le plaisir de cinéphile que produit son visionnement et sur The Imitation Game et son efficacité doublée de performances d'acteurs remarquables, vous pouvez imaginer combien il a été difficile pour moi de sélectionner un réalisateur qui se démarque cette année... Si j'ai choisi Inaritu, c'est pour les multiples talents dont il fait preuve dans Birdman. La direction d'acteurs, d'abord, qui est d'ailleurs évidente au nombre d'acteurs qui ont obtenus une nomination (et dont deux font partie de mes choix pour l'Oscar), mais la forme qu'il a donnée au film. En effet, ce long pseudo-plan séquence donne l'impression que le film a réellement été tourné d'un seul coup en ne faisant que suivre les personnages (un effet de réel jamais observé de cette manière là auparavant par ce cinéphile-ci). Plus encore, le mouvement constant de la caméra ajoute un niveau à ce film dont le sujet est justement l'incursion du cinéma au théâtre; Inaritu, en plus de rendre sa caméra mobile, évite du même coup de donner à son film l'aspect un peu figé du théâtre filmé. Enfin, cette forme est une première; jamais je n'avais vu un film de cette envergure tourné de la sorte, une originalité qui à elle seule mérite reconnaissance, surtout quand on note que se mêlent à ces pseudo-plans séquences des scènes de télékinésie et autres envolées lyriques manipulées avec brio.

Meilleur film: Birdman. Avec des acteurs formidables, une réalisation absolument brillante, un scénario subtil et à plusieurs niveaux, Birdman est le film qui combine le mieux tous les ingrédients qui font d'un bon film un grand film. Boyhood est également un exploit à sa manière, mais dans son cas, le scénario est un peu moins original et la réalisation demeure en retrait et plus conventionnelle. The Grand Budapest Hotel demeure à mes yeux un des meilleurs films de 2014 et un film à voir et revoir avec grand plaisir, mais reste moins transcendant que Birdman. Je n'ai pas eu l'occasion de voir Selma avant la cérémonie, Whiplash est un film percutant mais dont l'idée de base (relation mentor/élève) n'est pas une nécessairement une nouveauté, et j'ai réellement détesté American Sniper. Quand aux deux autres films en nomination - les excellents The Imitation Game et The Theory of Everything, aussi bons soient-ils, ils demeurent d'une facture classique, une manière traditionnelle de raconter une histoire au cinéma. Pour moi, Birdman s'élève à un autre niveau et comme ce genre d'exploit n'arrive pas nécessairement à chaque année, ce choix s'impose donc de mon point de vue.
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Voilà donc pour mes choix personnels... Un billet sur mes prédictions (plus court, le temps presse) devrait suivre sous peu.

Et vous, quels sont vos choix personnels?
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